La culture comme thérapie du harcèlement
Aider les enfants à surmonter les traumas du harcèlement par des activités culturelles
Christine Leșcu, 10.12.2022, 13:28
Parce
qu’on décèle d’une manière très difficile les traces du harcèlement dans le
psychique d’une victime, de traces difficiles à effacer, on doit aborder ce phénomène
qui existe entre les enfants et les adolescents par des moyens créatifs. Il
faut aussi que ces moyens atteignent les aspects qu’une méthode directe ne peut
pas. Des fois, il faut recourir à l’art et à la culture pour que la victime
comprenne ce qui lui arrive et pour qu’elle apprenne à réagir. C’est exactement
ce que l’Association « Lumea bună » (Le Bon Monde) a entrepris de
faire, dans le projet « Anti-harcèlement culturel dans la diaspora et dans
le milieu rural ». La première édition du projet se déroule entre mars et
octobre 2022.
Larisa Popescu, la présidente de
l’Association, nous offre des détails : « Il s’agit d’un projet d’éducation par la culture, cofinancé par
l’Administration du Fonds Culturel National, dans lequel nous impliquons des
enfants de cinq villages de Roumanie et de deux communautés de la diaspora, notamment
d’Espagne et d’Irlande. Nous organisons pour eux plusieurs réunions et
activités pour les sensibiliser au phénomène du harcèlement, pour leur faire
comprendre ses effets et pour réduire ce phénomène. Pratiquement, nous
organisons plusieurs ateliers, au cours desquels les enfants rencontrent des
spécialistes du domaine culturel, mais aussi des experts spécialisés dans ce
type d’agression, des conseillers spécialisés dans ce sujet. Les spécialistes
en culture abordent le phénomène d’intimidation à partir du livre
« Mauvais enfants », écrit par la dramaturge Mihaela Michailov. Les
enfants lisent ce livre (donc ils pratiquent la langue roumaine) et comprennent
une œuvre dramatique qui traite du phénomène de harcèlement. Ensuite, l’actrice
Katia Pascariu, qui a joué dans cette pièce et a interprété plusieurs rôles,
parle des émotions qui peuvent être véhiculées dans un spectacle d’art
théâtral. Plus tard, les enfants font une parallèle entre les événements qu’ils
ont vécus en tant que victimes ou en tant qu’observateurs. Ils discutent de la
façon dont ils ont vécu ces émotions et du phénomène qu’ils ont rencontré dans l’œuvre
théâtral. Ensuite, ils doivent organiser un événement culturel, dans lequel ils
parlent de toute l’expérience du projet, ils invitent des enfants et des
enseignements de la communauté ou de l’école à discuter du thème de la pièce et
de leurs expériences. Finalement, ils font une exposition avec des collages,
des photographies, des dessins, y compris des essais sur ce sujet, et discutent
de l’approche reçue du conseiller en harcèlement, notamment à travers d’une
vidéo sur ce sujet ».
Phénomène
de plus en plus répandu en Roumanie aussi, le harcèlement, ou l’intimidation
entre enfants et adolescents, peut avoir des effets majeurs, en commençant par
la dépression et allant même jusqu’au décrochage scolaire.
De plus, selon l’endroit où il a lieu, ce
phénomène a diverses manifestations, comme nous le dit aussi Larisa Popescu : « Depuis mars, nous avons déjà eu 12 ateliers, dans lesquels nous avons
rencontré les enfants qui ont bénéficié du projet. D’après leurs histoires, on
peut comprendre que le phénomène est très diversifié. D’une part, ce phénomène existe
parmi les enfants roumains de la diaspora, même au sein de la communauté, mais
d’une certaine manière, cela vient aussi de l’extérieur, car les enfants se
sentent exclus. Mais ce n’est pas forcément du harcèlement. Le phénomène d’intimidation
a lieu entre les membres de la communauté roumaine, plutôt qu’entre Espagnols
et Roumains ou entre Irlandais et Roumains. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y
a pas de tels exemples. Autre aspect important : ils comprennent comment
ils peuvent réagir et le fait qu’il s’agisse d’un jeu de pouvoir. J’ai appris
de certains enfants à quel point leur expérience les a touchés, en plus du fait
que ces évènements ont diminué leur motivation à apprendre ou leur envie d’aller
à l’école. Il y a eu des enfants qui n’en ont parlé à leurs parents qu’au bout
d’un an environ, alors qu’ils subissaient déjà un léger trauma. Nous nous
sommes rendu compte aussi à quel point la finalité de nos projets touchait
certains d’entre eux. De manière générale, tout ce que nous faisons au sein de
l’Association va dans ce sens : stimuler la motivation dans le processus d’apprentissage
et réduire le décrochage scolaire qui est très élevé en milieu rural ».
.
La
pièce écrite et mise en scène par Mihaela Michailov et interprétée par Katia
Pascariu est, en fait, un miroir où les victimes voient clairement leurs
propres sentiments, ce qui les aide à trouver des solutions.
Larisa
Popescu nous explique comment l’art est plus efficace de ce point de vue : « Par cette approche, à l’aide de ces spécialistes
et de la culture, tout est plus facile à gérer. D’abord, les enfants parlent du
phénomène comme s’il s’agissait de quelque chose de l’extérieur, parce qu’ils
lisent l’histoire d’un personnage ou ils voient un personnage mis en scène dans
une pièce de théâtre. Après, ils passent à une approche personnelle où ils
discutent du harcèlement et de sujets plus personnels avec le conseiller. Nous
avons également cherché des solutions à leurs traumas (…) telles qu’une amitié
saine, un environnement scolaire sain, la confiance les uns envers les autres,
la communauté et le respect. Les enfants ont besoin de compréhension et de
communication pour pourvoir résoudre les problèmes qui surviennent, au lieu de les amplifier, sans affecter
les relations avec les collègues ».
En
mai et juin, les ateliers du projet culturel Anti-harcèlement dans la diaspora
et les zones rurales ont eu lieu en Roumanie, en Espagne et en Irlande. A l’automne,
le projet sera finalisé à Bucarest, au siège de la Bibliothèque Métropolitaine,
par une présentation de dessins, d’essais et de films réalisés par des enfants
sur le thème du harcèlement. (Trad. Andra Juganaru)