Jeunesse, culture et confinement
Les enfants ont besoin de culture et les institutions culturelles ont besoin du jeune public. Nous vous donnons des exemples de la manière dont les différentes institutions culturelles roumaines sont restées en contact avec les petits pendant
Christine Leșcu, 28.04.2020, 12:04
En cette période où la distanciation sociale est le mot d’ordre et où toute activité culturelle avec public est impossible, les institutions artistiques vivent un moment extrêmement difficile. Et l’aspect financier n’est pas le seul problème. Car tout artiste a besoin de rencontrer son public.
L’Opéra-Comique pour enfants de Bucarest se réinvente en ligne
L’Opéra-Comique pour enfants de Bucarest, fameuse institution qui met en scène des spectacles de ballet et d’opéra pour le jeune public, se retrouve dans une telle situation. Les enfants lui manquent beaucoup. Les artistes ont donc décidé à faire recours à la technologie pour rester en contact avec les petits et pour perpétuer sa mission de promouvoir la culture dans les rangs des nouvelles générations.
Davantage de détails avec Emil Pantelimon, directeur de communication de l’Opéra-Comique pour enfants de Bucarest : « Dès le début, notre équipe a démarré le travail sur une application très intéressante, intitulée l’Opéra des enfants. Elle est déjà disponible en version web, et bientôt elle sera accessible sur les portables aussi. Grâce à cette application, les spectacles de l’Opéra-Comique pour enfants sont disponibles à tout moment. Qui plus est, s’y ajoutent des émissions vidéo dont le but est, paradoxalement, de faire sortir les enfants du milieu en ligne. C’est-à-dire, nous proposons aux parents des idées pour jouer avec les enfants, des idées à mettre en pratique en laissant de côté la technologie. »
Des spectacles à voir n’importe où, à n’importe quelle heure, des idées de jeu aussi, le tout à un prix modique : 1 leu par jour, soit 30 lei par mois (l’équivalent de 6 euros environ). En fait c’est moins cher qu’un ticket. Au total 2500 minutes de contenu sont à découvrir, dont tous les spectacles de l’institution.
Emil Pantelimon nous en donne quelques exemples : « On a commencé par Cendrillon, on a continué par Petit Chaperon Rouge, La flute enchantée et Mirandolina. Suivent Jack et le haricot magique et L’enlèvement au sérail. Tous les titre de notre répertoire seront progressivement disponibles. L’application compte déjà 1300 abonnés, alors que le nombre des visites est un peu plus élevé, approchant les 2000 nouveaux utilisateurs par jour. Cendrillon et Petit Chaperon Rouge ont connu un très grand succès en ligne. »
Cette application est aussi une manière d’avoir un minimum d’activité par temps de crise. Mais ce n’est pas la seule méthode de survivre imaginée par l’Opéra-Comique pour enfants de Bucarest. Son directeur de communication, Emil Pantelimon explique : « La culture ne peut pas être gratuite. D’ailleurs, la culture doit s’auto-entretenir. C’est ce que nous sommes en train de faire, en fait : nous tentons de nous entretenir pour ne pas être obligés à opérer des licenciements et pour garder l’équipe unie. C’est pourquoi, par cette même application nous allons bientôt lancer un nouveau produit intitulé « Căpşunarium » – Culture de fraises. C’est une invention de l’équipe administrative de l’Opéra-Comique par laquelle nous apporteront des fraises à ceux qui souhaitent en consommer ou en cultiver eux-mêmes. Nous avons un fournisseur local de fraises qui nous aimerions bien voir pousser des cultures de fraises sur tous les balcons et dans chaque foyer. C’est une sorte de reconversion professionnelle provisoire par temps de crise pour soutenir financièrement l’institution. C’est une période très difficile et nous faisons de notre mieux pour la surmonter le sourire aux lèvres. C’est la mission de l’application Opera Copiilor (l’Opéra des enfants) ».
Sans doute il faut être inventif par temps de crise, car c’est celui qui saura s’adapter qui survivra, n’est-ce pas ?
En fait une bonne partie des théâtres pour enfants diffusent ces jours-ci des spectacles en direct ou enregistrés sur les réseaux sociaux, à titre gratuit et connaissent un succès immense. Des milliers de spectateurs sont connectés à chaque fois et les louanges s’enchaînent dans les commentaires.
Les théâtres ne sont pas les seuls à se réinventer ces jours-ci. La radio doit le faire aussi. C’est au bénéfice du jeune public que Radio Roumanie Culture, la station culturelle de la radio publique roumaine a adapté son programme pendant la période de l’état d’urgence, mis en place sur toile de fond de la pandémie de coronavirus.
Du théâtre radiophonique pour les enfants confinés
Pour venir en aide aux enfants confinés à domicile pendant que les écoles sont fermées et toutes les activités culturelles sont suspendues, Radio Roumanie Culture (RRC) a décidé de remplacer certains programmes habituels par des émissions spéciales consacrées aux enfants et aux parents. Par exemple, les meilleurs contes de Théâtre radiophonique sont diffusés tous les jours à midi, la plupart sont des adaptations des livres étudiés dans les manuels scolaires.
En même temps, sur le site de RRC, www.radioromaniacultural.ro, les enfants peuvent écouter les productions du Théâtre national radiophonique, qui est un département de Radio Roumanie. Parmi les titres proposés figurent Aventure avec un hobbit, Alice au pays des merveilles et bien d’autres contes préférés des enfants. Des émissions spéciales sur les manières d’apprendre et de se divertir en période de confinement sont également diffusées tous les jours à l’intention de parents et des jeunes qui écoutent RRC.
D’ailleurs, rapprocher les enfants à la radio et au théâtre radiophonique et à la lecture est une préoccupation majeure de la section de Théâtre national radiophonique de Radio Roumanie. Avant que la pandémie ne frappe et ne ferme tout établissement culturel et éducationnel, en début d’année, la 3e saison d’ateliers d’auditions avait démarré dans un fameux réseau de librairies roumaines. Dans les superbes espaces remplis de livres, les enfants étaient invités à écouter des dramatisations radiophoniques et à dessiner l’histoire qu’ils étaient en train d’écouter.
Le metteur en scène Mihai Lungeanu, initiateur du projet, raconte comment les petits avaient réagi à son invitation : « Nous avons constaté que tous les enfants et adultes présents ont été surpris de pouvoir écouter une pièce de théâtre à l’intérieur d’une librairie. Nous avons intitulé notre initiative « Du théâtre en couleurs » parce que tous les enfants ont reçu des crayons de couleur et du papier pour dessiner. A chaque rencontre ils reçoivent aussi des CDs de la pièce suivie, pour la réécouter chez eux. Notre intention est d’activer leur créativité. Et pour cause. Ils sont bombardés par des informations préparées par d’autres et fournies via les tablettes, les portables et la télévision. Quant à nous, nous leurs offrons l’occasion d’imaginer ce qu’ils écoutent. Par exemple s’ils entendent un aboiement, ils s’imaginent un chien, s’ils entendent un sifflement, ils s’imaginent une locomotive. Et chacun se rapporte différemment à ce qui lui est offert. En écoutant la pièce de théâtre radiophonique, ils vivent leur propre histoire, déroulent leurs propres images en utilisant leur propre base de données pour ainsi dire. »
A Bucarest, les auditions ont été accueillies par des librairies. Dans d’autres villes, nos collègues de la section de Théâtre radiophonique sont allés dans les écoles pour faire écouter leurs contes aux élèves. Ils ont été accompagnés par des acteurs spécialisés dans le travail avec les enfants. Des dizaines de dessins ont été réalisés à chaque audition, réunis par la suite dans une exposition.
A l’heure où l’on parle ces ateliers ont été suspendus, mais l’écoute se poursuit à la maison. Les pièces de théâtre radiophonique sont disponibles en ligne ou sont diffusées sur RRC et les enfants peuvent continuer à dessiner en toute tranquillité chez eux et à s’imaginer des univers des plus divers.
Voilà, donc, quelques initiatives censées maintenir les enfants en contact avec la culture, tout en stimulant leur imagination, dans l’attente du moment où on pourra à nouveau se rencontrer dans une salle de spectacle ou dans une librairie.