Sarmiza Bilcescu – Alimănişteanu
Les débuts de lémancipation féminine en Roumanie remontent à la deuxième moitié du 19e siècle et ils coïncident avec lintensification du processus de modernisation de la société roumaine. A lépoque, certaines femmes ont essayé dapprendre des métiers destinés jusqualors exclusivement aux hommes, comme cest le cas des métiers liés aux sciences et à la pratique du droit par exemple.
Steliu Lambru, 01.04.2016, 16:13
Née en avril 1867, Sarmiza Bilcescu a été une pionnière du domaine du droit : puisquelle a été la première Roumaine avocate et la première femme docteur en droit à la Sorbonne. Toutes ces premières ont été remarquées et honorées dans la presse internationale de lépoque. Ses succès ont été pourtant étroitement liés à la légère ouverture à lépoque de lenseignement supérieur envers les femmes, explique lhistorien Alin Ciupalà : « En lisant les journaux occidentaux qui sortaient en 1895, quand Sarmiza Bilcescu Alimănişteanu soutenait sa thèse de doctorat en droit à la Sorbonne, on apprend que partout sur notre continent ce fait a été un événement majeur. Sarmiza Bilcescu provenait dune famille qui faisait partie de lélite libérale roumaine de la seconde moitié du 19e siècle. Sa famille était proche de la famille du fondateur du Parti national libéral, Ion Bratianu. Sarmiza Bilcescu-Alimănişteanu sest consacrée à létude, elle fera des études de Droit à lUniversité de Bucarest pour partir ensuite après la licence à Paris, et sinscrire à la Sorbonne en vue de faire des études doctorales également en Droit. Il faut préciser que dans les universités roumaines, la présence féminine nétait plus si inhabituelle puisque dans les années 1870 – 1871, les portes de la faculté de Lettres furent ouvertes aux jeunes femmes. La faculté de Lettres a été la première à permettre linscription des étudiantes. Lévénement vraiment exceptionnel fut pourtant laccès de Sarmiza Bilcescu au doctorat à la Sorbonne puisquà lépoque, les jeunes citoyennes de la République française ne pouvaient pas le faire. Il leur était interdit de suivre des cours doctoraux, notamment en Sorbonne. Sarmiza Bilcescu avait le grand avantage dêtre boursière, elle était une étrangère acceptée exceptionnellement à la Sorbonne. Et sa résolution sest concrétisée par le titre de docteur en Droit. Elle fut la première femme docteur en droit à la Sorbonne. La presse roumaine a repris cette info pour la développer et lors de son retour dans les Principautés roumaines, Sarmiza Bilcescu-Alimănişteanu sera reçue avec beaucoup de faste par une très belle cérémonie, au barreau dIlfov par son président Take Ionescu, homme politique conservateur très connu.
Ce qui est intéressant du point de vue historique et sociologique, cest aussi ce qui est arrivé à Sarmiza Bilcescu après ses études et son admission au barreau. Nombre de ses contemporains ont vu Sarmiza Bilcescu uniquement en tant que femme et non pas comme avocat professionnel, vu quils nétaient pas habitués à une telle situation. Nombre de jeunes hommes choisissaient le métier davocat à la fin du 19e siècle. Sarmiza Bilcescu a également été sous cet angle une représentante de sa génération prête à rompre certaines barrières sociales auxquelles se heurtaient les femmes.
Pourtant, elle na pas réussi dans son métier jusquau bout, explique Alin Ciupalà : « Il était logique pour elle de se dédier à la profession, de poursuivre ce chemin, de se construire une carrière. Mais cest ici quintervient la rupture. Le métier davocat étant une profession libérale, les gens qui voulaient sy dédier pouvaient le faire uniquement sils avaient des clients, censés leur assurer des revenus. Or Sarmiza Bilcescu-Alimănişteanu a constaté ce quelle soupçonnait dailleurs, cest-à-dire que très peu de Roumains ont eu laudace de lui révéler tous leurs problèmes personnels et de demander son appui professionnel. Et cest ainsi que sa voie professionnelle qui sannonçait si prometteuse a été bloquée et Sarmiza Bilcescu-Alimănişteanu a dû renoncer à la pratique du métier davocat pour se consacrer à une carrière familiale. Elle a épousé un jeune homme provenant également dune famille libérale, Ion Alimănişteanu, pour quitter ensuite complètement la sphère publique. »
Décédée en août 1935, Sarmiza Bilcescu-Alimănişteanu a également été une des fondatrices de la « Société des demoiselles roumaines », qui se proposait de lutter pour faire accroître le niveau déducation des femmes roumaines.