Quartiers juifs de Bucarest
Ville de commerçants et dartisans par excellence, Bucarest a grandi grâce aussi à la contribution des différents communautés ethniques qui sy sont installées. Les Juifs en sont un exemple, leur présence à Bucarest ayant été mentionnée en 1550, une centaine dannées après la première attestation documentaire de la ville. Felicia Waldman et Anca Tudorancea se sont appliquées à reconstituer lhistoire de la communauté juive de la capitale roumaine dans un livre intitulé « Histoires et images du Bucarest juif », paru aux Editions Noi Media Print.
Christine Leșcu, 30.05.2014, 14:47
Felicia Waldman : « La communauté juive est mentionnée à Bucarest dès 1550, elle a donc un âge impressionnant. Une présence juive existait aussi avant cette date, mais depuis cette année-là, cest une communauté stable, même si les autorités reconnaissent les guildes juives plus tard. Les commerçants juifs sy installent au 16e siècle, en dépit de labsence dune protection venue de la part de lEtat. La plupart des Juifs de Bucarest venaient de lEmpire Byzantin et après 1550, de lEmpire Ottoman. Après leur expulsion dEspagne, nombreux sont les Séfarades qui sétablissent dans lEmpire Ottoman et qui se mettent au commerce avec lEurope Orientale et Occidentale ».
Les Juifs introduisent à Bucarest des métiers nouveaux, inconnus de la population de la ville et qui témoignent de la diversité professionnelle au sein de la communauté. Felicia Waldman : « Cette communauté contribue aussi au développement économique de la ville, en aidant aux échanges commerciaux entre lEst et lOuest de lEurope ; ceci est très important car Bucarest trouve ainsi sa place sur la carte du continent. La présence des Juifs apporte des métiers que les habitants de la ville ne connaissaient pas. Cest le cas, par exemple, de la verrerie et de la ferblanterie, introduites par les Juifs. A la fin du 19e siècle, lorsque les toits en tôle et en tuiles commencent à remplacer ceux en échandoles, les premiers à les fabriquer étaient les Juifs. Ils étaient les seuls courageux à vouloir monter sur le toit. Et puis, cest pour la même raison quils réalisent, autour de 1897, les peintures murales dun grand nombre déglises de Bucarest ».
Avec le temps, des faubourgs de la ville sont habités majoritairement par des Juifs, dautres sont des zones de choix pour la pratique de leurs métiers. Les faubourgs de Văcăreşti et de Dudeşti et leurs habitants pauvres sont restés dans lhistoire, tout comme le faubourg Popescului, situé quelque part, du côté de lactuelle Place Unirii, où se trouvait la synagogue la plus importante de la communauté.
Anca Tudorancea dessine la carte des communautés juives du Vieux Bucarest : « Toutes ces occupations artisanales se plient, en fait, sur la structure sociale et professionnelle de Bucarest. On peut, pratiquement, reconstituer la présence des Juifs par faubourgs: dans la partie centrale de la ville, du côté de lavenue Victoriei (où se trouvait lélite commerciale), dans le Vieux Centre et dans la rue Lipscani, où était concentré le commerce des étoffes. Celui-ci était lié au commerce des broderies de la rue Bărăţiei ; celle-ci se prolonge imperceptiblement vers la rue Lazăr, où tout un chacun pouvait sacheter des vêtements doccasion. En continuant, on arrive petit à petit à la périphérie de la ville, du côté des avenues Dudeşti et Calea Văcăreşti, où laccès est plus difficile, où les gens plus aisés nallaient pas faire le tour des échoppes ».
A lexception du Vieux Centre, les faubourgs historiques de la ville ne gardent plus leur ancien visage. Ils ont subi les transformations apportées par les actions de systématisation et durbanisme menées par le régime communiste. Les anciens faubourgs juifs nexistent plus que dans des photos dépoque. (Trad. : Ileana Taroi)