Max Blecher – la dissection de la maladie
Redécouvert depuis peu de temps par les critiques littéraires et par les lecteurs, l’écrivain Max Blecher est rapidement devenu un nom important pour le public amoureux de littérature, tant par la valeur de son œuvre que par sa destinée tragique. Né en 1909 à Roman, Blecher apprend, à 19 ans, qu’il souffre de tuberculose osseuse, le mal de Pott. Suite à cette maladie incurable, l’écrivain a passé les dix autres années de sa vie immobilisé au lit ou dans des sanatoriums roumains et étrangers, avant de s’éteindre à 29 ans. Ses expériences liées à la maladie, et non seulement, figurent dans ses romans « Aventures dans l’irréalité immédiate » et « Cœurs cicatrisés » ainsi que dans l’ouvrage posthume « La tanière éclairée ».
Christine Leșcu, 21.04.2017, 16:22
Redécouvert depuis peu de temps par les critiques littéraires et par les lecteurs, l’écrivain Max Blecher est rapidement devenu un nom important pour le public amoureux de littérature, tant par la valeur de son œuvre que par sa destinée tragique. Né en 1909 à Roman, Blecher apprend, à 19 ans, qu’il souffre de tuberculose osseuse, le mal de Pott. Suite à cette maladie incurable, l’écrivain a passé les dix autres années de sa vie immobilisé au lit ou dans des sanatoriums roumains et étrangers, avant de s’éteindre à 29 ans. Ses expériences liées à la maladie, et non seulement, figurent dans ses romans « Aventures dans l’irréalité immédiate » et « Cœurs cicatrisés » ainsi que dans l’ouvrage posthume « La tanière éclairée ».
Son nom était déjà bien connu des cercles littéraires, car Max Blecher avait débuté en 1930, dans la revue « Bilete de papagal » dirigée par le poète Tudor Arghezi et il était associé à l’avant-garde. Quoique immobilisé à cause de la maladie, se trouvant parfois à des centaines de km du pays, Max Blecher a publié de manière assez intense tant des vers que de la prose. Il a également entretenu une correspondance avec des hommes de culture roumains et étrangers tels que les avant-gardistes Geo Bogza, Ilarie Voronca et Saşa Pană, mais aussi avec André Breton et André Gide.
Sa souffrance, connue de son vivant, a également marqué la manière dont ses écrits ont été perçus. Les questions suivantes se posent : dans quelle mesure son destin tragique a-t-il influencé son accueil par la critique, mais aussi par les lecteurs, et dans quelle mesure ses écrits sont autobiographiques ou vont au-delà de cette caractéristique.
Doris Mironescu, auteure du livre « La Vie de M. Blecher. Contre la biographie », essaie de fournir quelques réponses : « En fait, que fait Blecher, en étant parfaitement conscient de cela ? Ses livres sont, en partie, autobiographiques, ce sont des journaux de sanatorium ou en dehors du sanatorium. Mais ce côté autobiographique est beaucoup modifié et transformé en quelque chose de différent. Il y a, dans une certaine mesure, une sorte d’identification sentimentale avec l’auteur et cela peut en quelque sorte influencer son choix comme auteur de prédilection ou comme héros littéraire. Mais cela ne suffit pas. L’identification avec un auteur ne peut pas suppléer à la valeur d’une œuvre…
La fable biographique aide, dans une certaine mesure, à accueillir l’œuvre, dans le sens qu’elle inculque aux lecteurs de toutes les époques une volonté d’être du côté de l’auteur. C’est bien ce qui s’est passé avec Blecher. Les chroniqueurs qui lui étaient favorables à l’époque de l’entre-deux-guerres ont l’impression de faire un acte de justice. La même chose se répète en 1970, lorsque Blecher est réédité. Les critiques roumains le récupèrent. Tous veulent le sauver de l’agression de l’oubli qui l’avait recouvert pendant 30 ans, qui avait écarté ce grand écrivain de la littérature roumaine. S’il y a une influence de la biographie de Blecher sur sa réception, elle n’est pas professionnelle, mais c’est bien qu’elle existe ».
Les personnages principaux des livres de Max Blecher, qui apparaissent comme un alter-ego de l’auteur, semblent percevoir la réalité sous l’angle de la maladie, mais cette perception n’est nullement viciée par la pathologie, elle est extrêmement originale et indépendante de la maladie. Blecher, comme Emanuel, son personnage de « Cœurs cicatrisés », par exemple, regarde autour de lui avec une grande soif de vivre, en dépit de sa maladie, remarque Marieva Ionescu, un des rédacteurs récents de l’œuvre de Blecher : « Le regard du narrateur des romans de Blecher est un regard très attentif. Il considère le tout d’un œil de poète. Emanuel, le héros de Cœurs cicatrisés, est attentif à tout ce qui se passe autour de lui, à commencer par les objets, les gens, son propre corps, ses sensations, la nature… Il regarde d’abord comme un étranger ce monde du sanatorium, puis il commence à s’identifier peu à peu aux autres patients. »
Max Blecher a essayé de participer — tant que la maladie le lui permettait — aux questionnements sociaux et politiques de son époque. Doris Mironescu, chargée de cours :: « Blecher participe à la vie politique de son époque. Ce côté existe dans une moindre mesure dans sa littérature, mais elle existe dans la correspondance. Toute cette quantité de nouvelles informations qui se sont fait jour sur Blecher este immense. Tout cela nous donne une image quelque peu corrigée sur Blecher, peut-être moins pure que nous ne le pensions. Blecher était un homme de son temps. »
Combien Blecher était intéressé par les idées de son époque, on peut le voir aussi dans le film réalisé par Radu Jude en 2016 et inspiré de son œuvre, Cœurs cicatrisés. Les lecteurs étrangers peuvent également entrer dans l’univers de Max Blecher grâce aux traductions en français, anglais, italien et aussi en polonais. (trad. : Ligia Mihaiescu)