L’ingénieur Eugen Iordăchescu
En 1977, le régime Ceausescu initiait un projet de reconstruction de Bucarest et des villes roumaines. Cela se traduisait par la démolition de plusieurs quartiers de maisons pour faire place à de nouveaux boulevards. Une multitude de monuments historiques, notamment des églises, ont ainsi disparu sous les coups des bulldozers. Les pertes d’habitat humain ont été encore pires. A l’époque, en pleine dictature communiste, les gens avaient peur de prendre attitude ouvertement contre les abus. C’est à ce moment – là qu’un inventeur a trouvé la solution pour sauver les bâtiments menacés de disparaître. Son nom est Eugen Iordăchescu. Il était ingénieur constructeur, directeur technique de l’Institut « Proiect » de Bucarest. C’est lui qui a mis au point une méthode ingénieuse permettant de déplacer des bâtiments afin de les cacher derrière les HLM. Plusieurs églises historiques de la capitale ont été ainsi sauvées grâce à la contribution d’Eugen Iordăchescu.
Steliu Lambru, 09.03.2016, 14:52
En 1977, le régime Ceausescu initiait un projet de reconstruction de Bucarest et des villes roumaines. Cela se traduisait par la démolition de plusieurs quartiers de maisons pour faire place à de nouveaux boulevards. Une multitude de monuments historiques, notamment des églises, ont ainsi disparu sous les coups des bulldozers. Les pertes d’habitat humain ont été encore pires. A l’époque, en pleine dictature communiste, les gens avaient peur de prendre attitude ouvertement contre les abus. C’est à ce moment – là qu’un inventeur a trouvé la solution pour sauver les bâtiments menacés de disparaître. Son nom est Eugen Iordăchescu. Il était ingénieur constructeur, directeur technique de l’Institut « Proiect » de Bucarest. C’est lui qui a mis au point une méthode ingénieuse permettant de déplacer des bâtiments afin de les cacher derrière les HLM. Plusieurs églises historiques de la capitale ont été ainsi sauvées grâce à la contribution d’Eugen Iordăchescu.
La solution qu’il avait imaginée était simple : la fondation consolidée s’appuyait sur des piliers armés et une plaque en béton était introduite sous la fondation. Cette idée lui est venue à l’esprit au moment où il a vu un serveur porter plusieurs verres sur un plateau sans en verser une seule goutte et sans les faire bouger. Alors, si on place le bâtiment sur une sorte de «plateau» en béton, parfaitement horizontal, et en y installant un système de poulies, on pourra le déplacer sur des rails sur n’importe quelle distance, pense Eugen Iordachescu.
L’opération au cours de laquelle plusieurs HLM ont été déplacés du boulevard Ştefan cel Mare (une des principales artères de Bucarest) a été transmise en direct à la télévision en 1983. Pendant les manœuvres, l’alimentation en eau, en électricité et en gaz des immeubles n’avait pas été coupée et aucun habitant n’avait été évacué. De même, on n’a enregistré aucun dégât à l’intérieur des appartements, ni d’autre événement désagréable.
En 2006, Eugen Iordachescu racontait pour le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine comment se déroulait le déplacement des HLM : « On a transporté trois HLM de l’avenue Ştefan cel Mare. Il fallait soit les déplacer, soit les démolir. Comme cette technologie commençait à porter ses fruits et à avoir du succès, on m’avait permis de les déplacer. Ces blocs devaient disparaître pour laisser la place au métro. Parmi ceux qui ont été invités à assister aux travaux, il y a eu Suzana Gâdea, la présidente du Conseil de la Culture et de l’Education Socialiste. Après avoir assisté au démarrage du déplacement, à un moment donné, elle me dit : peut-on visiter un appartement ? « Oui », je lui ai répondu. Nous avons donc traversé la passerelle qui nous séparait du bâtiment en mouvement, nous y sommes entrés et nous avons pris l’ascenseur qui fonctionnait toujours. Etonnée, Suzana Gâdea, se tourne vers moi et me dit : « T’es complètement dingue! » Nous nous sommes arrêtés au 6e étage, nous sommes entrés dans un appartement et elle a voulu s’asseoir pour se convaincre que rien ne bougeait à l’intérieur. Elle n’avait rien senti dans l’ascenseur, même si le bloc se déplaçait. A l’intérieur de l’appartement, elle a demandé un verre d’eau et notre hôte nous en a apporté plusieurs. En fait, elle ne voulait pas boire de l’eau, elle voulait vérifier si l’eau bougeait dans le verre. Et l’eau ne bougeait pas».
Grâce à cette idée, de nombreux bâtiments voués à la disparition ont pu être sauvés. Le professionnalisme d’Eugen Iordachescu a prouvé qu’il était possible de se servir de l’intelligence pour lutter contre le dogmatisme. (Trad. Valentina Beleavski)