L’historien des religions, Mircea Eliade
Lœuvre entière de Mircea Eliade pourrait être réunie dans 80 volumes, sans compter ses journaux personnels et ses manuscrits inédits.
Daniel Onea, 14.05.2014, 13:15
Lœuvre entière de Mircea Eliade pourrait être réunie dans 80 volumes, sans compter ses journaux personnels et ses manuscrits inédits.
Il commence à écrire à lâge de 14 ans des articles dentomologie qui témoignent de sa très riche imagination. Quelques années plus tard, voient le jour ses premiers romans. A partir de 1957, Mircea Eliade sétablit aux Etats-Unis, à Chicago, où il enseigne lhistoire comparée des religions à luniversité. Il est de plus en plus connu avec chaque année qui passe, avec chaque nouvel livre ; en même temps, il devient membre dinstitutions très réputées et reçoit plusieurs titres de docteur honoris causa.
«Mircea Eliade a réussi comme nul autre à offrir au public occidental des informations sur les religions « primitives » de lOrient. Tous ceux qui sintéressent à la grande aventure humaine trouveront dans son « Histoire » de nouvelles approches», écrivait le New York Times. Cétait sa recommandation pour louvrage « Lhistoire des croyances et des idées religieuses ».
Pour sa part, lauteur le décrivait comme une promesse faite à soi-même 30 ans avant la parution, une promesse précédée dune recherche assidue. « Personne ne peut prétendre maîtriser ou être capable dassimiler absolument tous les secrets. Chaque savant, chaque historien est spécialisé dans un domaine plus ou moins large. Toutefois, ma conception de lhistoire des religions est quil est impossible de comprendre le domaine duquel on est spécialiste sans inclure sa recherche personnelle dans la perspective de lhistoire universelle. Sans doute, je ne connais pas le chinois, ni le japonais, mais le devoir dun historien des religions est dêtre au courant de ce que son collègue, spécialiste de la religion chinoise, japonaise ou mongole, a produit. Cest ce que je reproche à certains de mes confrères, admirables savants, qui, à partir dun certain âge, nosent plus suivre les progrès de cette discipline dans des secteurs autres que leur spécialisation.»
«Ce qui me paraît tout à fait impossible, cest dimaginer comment lesprit humain pourrait fonctionner sans la conviction quil y a quelque chose dirréductiblement réel dans le monde », affirme Mircea Eliade. Et il poursuit: « il est impossible dimaginer comment la conscience pourrait apparaître sans conférer une signification aux impulsions et aux expériences de lhomme.»
Après la culture italienne, cest la philosophie indienne qui devient la deuxième passion de lécrivain. Il obtient une bourse privée et commence à étudier le sanscrit et le yoga à Calcutta. Dailleurs, il consacre sa thèse de doctorat au yoga. En 1933, sort le roman Maitreyi, fondé sur son expérience indienne et sur des données autobiographiques. Mircea Eliade: « Après mon retour dInde, jai ressenti lurgence dun effort scientifique pour comprendre la pensée mythique, pour comprendre le symbolisme religieux, la structure des rituels, le sens de linitiation et ainsi de suite. Bref, je souhaitais comprendre lunivers des valeurs de la culture extra-européenne, soient-elles traditionnellement asiatiques (Chine, Japon, Inde), soient-elles archaïques ou primitives, pour ainsi dire. Cet univers des valeurs est similaire à celui que la culture grecque, la Révélation Judaïque, la loi romaine et les grandes civilisations du proche Orient ont eu et ont mis à profit. Comprenant ces structures de la pensée archaïque et orientale, nous pouvons non seulement dialoguer avec ces cultures vivantes, mais je crois que nous pouvons mieux comprendre notre propre passé, lunivers des valeurs de lAncien Testament, de la Mésopotamie, de lEgypte antique. Cest pourquoi ces valeurs ont représenté le thème majeur de mon oeuvre dhistorien des religions et dorientaliste. »
Mircea Eliade nous a quittés le 22 avril 1986, à Chicago. En Roumanie, 20 après la chute du communisme, lœuvre intégrale dEliade (soit une quarantaine de volumes scientifiques et littéraires) na pas encore été publiée, les maisons déditions préférant les rééditions douvrages déjà parus. Sa création reste très actuelle, en témoigne les nombreuses traductions post-mortem de ses livres en espagnol, italien et portugais. De même, on remarque lintérêt croissant des jeunes pour la vie et lœuvre de Mircea Eliade, notamment des jeunes adeptes de la liberté religieuse et amateurs de littérature fantastique. (trad. : Valentina Beleavschi)