Les débuts de l’enseignement rural en Roumanie
En plein processus de modernisation au début du 19e siècle, les principautés roumaines de Valachie et de Moldavie commençaient à se doter des premières institutions de type occidental. L’enseignement s’organisait, lui aussi, d’après le même modèle. Les premières références à l’alphabétisation et à la généralisation de l’éducation sont à retrouver dans la première variante de la constitution roumaine, appelée « Le Règlement organique » et rédigée en 1831. Le document prévoyait la création d’un système d’écoles – notamment à la campagne, alors que les écoles urbaines devaient préparer des enseignants pour les nouvelles écoles du milieu rural.
Christine Leșcu, 17.10.2017, 14:36
En plein processus de modernisation au début du 19e siècle, les principautés roumaines de Valachie et de Moldavie commençaient à se doter des premières institutions de type occidental. L’enseignement s’organisait, lui aussi, d’après le même modèle. Les premières références à l’alphabétisation et à la généralisation de l’éducation sont à retrouver dans la première variante de la constitution roumaine, appelée « Le Règlement organique » et rédigée en 1831. Le document prévoyait la création d’un système d’écoles – notamment à la campagne, alors que les écoles urbaines devaient préparer des enseignants pour les nouvelles écoles du milieu rural.
Dans les villages de Roumanie, des écoles avaient existé même avant le « Règlement organique », mais elles avaient été créées par quelques boyards et elles étaient destinées principalement aux enfants des familles qui travaillaient sur leurs domaines. Le premier système éducatif géré par l’Etat n’allait être mis en place qu’en 1838.
L’historienne Nicoleta Roman explique : « Le point de départ se trouve dans un passage du «Règlement organique» stipulant qu’en milieu rural, l’enseignement devait être dispensé soit par un prêtre ou un sacristain, soit par un instituteur ayant suivi une formation dans ce but. Une équipe s’est formée autour du prince régnant de Valachie, Barbu Ştirbey, constituée du prince régnant, lui-même, du boyard Mihalache Ghica et du mathématicien Petrache Poenaru, l’inventeur du stylo. Ils optent pour un modèle créé par John Lancaster, en Grande Bretagne au 18e siècle, notamment pour être appliqué à Londres. Ce système, destiné aux enfants provenant de familles pauvres, s’appuyait sur l’aide de la communauté pour trouver un bâtiment pouvant servir d’école. Les élèves plus grands ou qui assimilaient plus vite les connaissances devaient enseigner aux autres. Le boyard Mihalache Ghica esquisse quelques règles pour l’enseignement rural, émettant un ordre qui obligeait les propriétaires fonciers soit de mettre à la disposition de la communauté un bâtiment pour accueillir l’école, soit de fournir les matériaux nécessaires à la construction d’un bâtiment neuf. La période scolaire durait du 1er novembre à la fin mars, pour permettre ensuite aux enfants d’aider leurs parents aux travaux des champs. L’ordre en question invitait également la communauté à entretenir l’enseignant. Une famille paysanne devait contribuer avec deux lei par an au salaire de l’instituteur et lui fournir deux kilos de produits alimentaires. Selon une prévision introduite par la suite, durant la période scolaire, l’instituteur était exempté des travaux agricoles auxquels il était obligé au bénéfice du boyard. »
Puisqu’il s’agissait d’une sorte de co-financement avant-la-lettre, auquel participaient aussi bien les boyards que les villageois, l’enseignement moderne en milieu rural a démarré plus lentement.
Nicoleta Roman : « En fait, il y avait des boyards des deux extrêmes : ceux qui rejetaient complètement l’idée et ceux qui l’avaient bien accueillie – dont Gheorghe Magheru, qui avait, sur sa propriété, deux instituteurs au lieu d’un seul. C’est toujours lui qui allait d’ailleurs proposer de créer des écoles plus grandes, à même d’accueillir les enfants de plusieurs villages. Il y a enfin une troisième situation : les villages rapportaient l’existence d’un nombre plus grand d’écoles qu’il n’y en avait en réalité, pour attirer plus de fonds. En fait, les instituteurs ne recevaient pas leur salaire à temps. Aussi, nombre d’entre eux renoncent-ils à enseigner. Il y a aussi des bâtiments qui devenaient peu à peu inutilisables, car les boyards ne fournissaient pas assez d’argent pour leur entretien et alors les villageois choisissaient une autre maison, souvent inadaptée. Voilà le tableau de l’enseignement rural à ses débuts. »
Dernière touche: la réaction des paysans face à l’obligation d’envoyer leurs enfants à l’école au détriment des travaux domestiques.
Nicoleta Roman : « L’alphabétisation ne pouvait pas reposer uniquement sur les boyards, il fallait que la communauté soit, elle aussi, ouverte à l’éducation. Les gens étaient encore très attachés aux travaux agricoles et ne comprenaient pas l’utilité de l’école pour leurs enfants. Il a fallu attendre la fin du 19e siècle et la mise au point du système d’enseignement professionnel pour que les familles se rendent enfin compte de ce que l’éducation pouvait apporter de bon. D’ailleurs, la plupart des élèves qui se dirigeaient vers ce genre de formation provenaient de ce milieu agricole, campagnard. »
En dépit des nombreuses difficultés, les statistiques officielles font état d’un accroissement lent mais sûr du nombre d’élèves des écoles rurales. Interrompue par la révolution de 1848, la réforme de l’éducation dans les principautés roumaines a été reprise en 1853, après la guerre de Crimée ; elle allait entrer dans la bonne voie après l’union, en 1859 de la Valachie et de la Moldavie et l’avènement du prince régnant Alexandru Ioan Cuza au trône de l’Etat nouvellement créé. (Trad. : Dominique)