Le journal Universul
C’est en 1829, au début de la modernisation des Principautés roumaines, qu’est apparu à Bucarest le premier journal de langue roumaine – « Curierul Românesc » « Le Courrier roumain ». Ce retard de la presse roumaine par rapport à l’Europe Occidentale allait pourtant être rapidement récupéré. Le nombre des publications a vite augmenté en raison notamment de la modernisation et de l’émancipation sociale et culturelle. C’est vers la fin du siècle, soit le 20 août 1884, qu’est paru le premier numéro du journal « Universul », un quotidien qui allait devenir le journal roumain le plus lu jusqu’au début des années 1950. « Universul » a été fondé par Luigi Cazzavillan, journaliste italien, ancien combattant dans l’armée de Garibaldi, établi ensuite à Bucarest où il a enseigné l’italien et commercialisé des vélos de la marque italienne Bianchi. Pourtant, de nos jours, Luigi Cazzavillan est reconnu notamment pour ses contributions essentielles au développement de la presse populaire par la publication de journaux et revues de vulgarisation de la culture et des sciences.
Christine Leșcu, 07.09.2016, 13:17
C’est en 1829, au début de la modernisation des Principautés roumaines, qu’est apparu à Bucarest le premier journal de langue roumaine – « Curierul Românesc » « Le Courrier roumain ». Ce retard de la presse roumaine par rapport à l’Europe Occidentale allait pourtant être rapidement récupéré. Le nombre des publications a vite augmenté en raison notamment de la modernisation et de l’émancipation sociale et culturelle. C’est vers la fin du siècle, soit le 20 août 1884, qu’est paru le premier numéro du journal « Universul », un quotidien qui allait devenir le journal roumain le plus lu jusqu’au début des années 1950. « Universul » a été fondé par Luigi Cazzavillan, journaliste italien, ancien combattant dans l’armée de Garibaldi, établi ensuite à Bucarest où il a enseigné l’italien et commercialisé des vélos de la marque italienne Bianchi. Pourtant, de nos jours, Luigi Cazzavillan est reconnu notamment pour ses contributions essentielles au développement de la presse populaire par la publication de journaux et revues de vulgarisation de la culture et des sciences.
Qui a été Luigi Cazzavillan et quel était le contenu du quotidien « Universul » ? Ilie Rad, professeur à l’Université Babes-Bolyai de Cluj, répond : « Luigi Cazzavillan, journaliste de profession, fut le correspondant de publications italiennes en Roumanie à l’occasion de la Guerre d’Indépendance de 1877 – 1878. Initialement, il avait exploré le marché avec deux autres publications. En 1880 il a sorti « La Fraternité roumano-italienne » et « Le Trésor de la famille » et gagné ainsi l’expérience nécessaire pour fonder en 1884 le journal « Universul » dont le nom a peut-être été inspiré par un journal du même nom d’Italie. La publication était avant tout neutre du point de vue politique. Puis, c’était une sorte de magazine, avec de nombreuses nouvelles, la chronique des accidents et des crimes… C’était un journal pour tous, ce n’était pas ce que l’on appelle de nos jours un tabloïd, parce que l’acte journalistique n’avait pas régressé jusqu’à un tel point. Sa tenue et son objectivité comptaient pour beaucoup dans la politique de ce journal. C’est notamment sa technologie des grands tirages qui permettaient à Universul de paraître à un prix de seulement 5 bani, soit 5 centimes. La société roumaine était modernisée, le nombre de lecteurs avait augmenté. En 1828/29, lors de la publication des premiers journaux, les tirages ne dépassaient jamais les 300 exemplaires. Or, à la fin du 19e siècle, le tirage d’un tel quotidien atteignait des chiffres impressionnants, allant jusqu’à 40 mille exemplaires par jour. »
Le long des années, le quotidien « Universul » a sorti toute une série de suppléments : « l’Univers des enfants », « l’Univers littéraire », « l’Univers illustré », « Le Dimanche de l’Univers », « Le journal des sciences populaires et des voyages ». Les suppléments, le prix, le tirage et la facilité d’accès aux informations faisaient d’Universul le journal le plus suivi avant la Première guerre mondiale, mais aussi entre les deux guerres.
Ilie Rad poursuit l’historique du quotidien « Universul » : «Je crois qu’il était encore plus suivi que sa compétition de gauche, le journal « Adevarul », grâce notamment au prix, mais aussi en raison de la qualité des informations, des nouveautés publiées. « Universul » a été la première publication de l’histoire de la presse roumaine à avoir des agences et des correspondants à l’étranger. Par exemple, la célèbre affaire Dreyfus de France a été amplement reflétée dans les pages du journal parce que Luigi Cazzavillan s’est permis de payer un correspondant à l’étranger qui lui a envoyé des informations de dernière heure relatives aux évènements internationaux. Ce qui plus est, le journal a également réussi à impliquer des écrivains importants. Par exemple, le grand dramaturge ILCaragiale a publié une grande partie de ses « Moments », chroniques et récits satyriques dans les pages des ce quotidien. »
Malheureusement, Luigi Cazzavillan est mort assez jeune, à l’âge de 52 ans, début 1904. Durant la première conflagration mondiale, entre 1916 et 1918, « Universul » a interrompu sa parution, qui a été reprise ensuite sous la direction d’autres patrons, dont le plus célèbre a été Stelian Popescu. Dans la plus grande partie de la période d’avant la Seconde Guerre Mondiale, soit avant 1943, Stelian Popescu a dirigé le quotidien « Universul », lui imprimant malheureusement ses options politiques, de centre-droit. Même si « Universul » n’a pas préservé sa neutralité politique, il a continué d’être le journal le plus répandu, survivant même quelques années après l’installation du régime communiste d’avant 1953. Sa rédaction se trouvait au cœur de la capitale, rue Brezoianu, près de l’Université et de l’Avenue Victoriei, dans un bâtiment imposant construit par Cazzavillan, d’après les plans d’un architecte italien.
Ilie Rad: « Il a fait bâtir ce palais, qui a subi ensuite de nombreuses modifications. C’est également à l’intérieur de cet immeuble que se trouvaient l’imprimerie et les bureaux. Par exemple, Stelian Popescu avait un bureau somptueux à l’intérieur duquel les grands politiciens et hommes d’affaires ont été reçus et traités comme il fallait, au cœur même de Bucarest. Et c’est également dans la Capitale qu’il existe une rue qui porte le nom de Cazzavillan et c’est très bien que sa mémoire soit perpétuée de nos jours encore. Et c’est toujours dans le même quartier que se trouve un buste du journaliste ».
Après avoir accueilli la rédaction de plusieurs journaux importants, le siège du journal de la rue Brezoianu a survécu jusqu’à nos jours. Pourtant, en raison de son état détérioré, celui-ci devrait être consolidé et restauré. La maison de Luigi Cazzavillan, un superbe mini-palais en style vénitien qui se trouve près de la rue qui porte son nom, dans le quartier de la Radio publique roumaine, est également très détériorée. Elle est littéralement en train de s’écrouler. Dommage. (Trad. Alex Diaconescu)