Le faubourg Flămânda – (l’Affamée) du Bucarest d’antan
Les mahala ont représenté une étape historique dans le développement de plusieurs villes roumaines. Bucarest ny fait pas exception, ayant été dès le début constitué de nombreux quartiers de ce type, soit de petites communautés plus rurales quurbaines.
Christine Leșcu, 18.07.2014, 15:05
Les mahala ont représenté une étape historique dans le développement de plusieurs villes roumaines. Bucarest ny fait pas exception, ayant été dès le début constitué de nombreux quartiers de ce type, soit de petites communautés plus rurales quurbaines.
Une de ces mahala, connue sous le nom de Flămânda, lAffamée, était située au centre historique de la ville, près de la colline sur laquelle se dressait autrefois lEglise métropolitaine, devenue, de nos jours, siège du Patriarcat et qui, à un moment donné, avait même abrité le premier Parlement du pays.
Lapparition de ce faubourg nest pas sans rapport avec le rôle de léglise dans la vie de la communauté, affirme Edmond Niculuşcă, président de lAssociation roumaine pour la Culture, lEducation et la Normalité (ARCEN). « Le faubourg Flămânda, lAffamée, également connu sous le nom de Săraca, la Misérable, est étroitement lié à la colline de lEglise patriarcale. A linstar de la plupart des quartiers pauvres, elle prend naissance autour dune église, en loccurrence lEglise Flămânda, lAffamée, laquelle existe aujourdhui encore. Démarrés en 1766, les travaux de construction de cette église de petites dimensions allaient durer longtemps en raison du manque dargent. En 1782, lédifice est refait, cette fois-ci, en pierre, les travaux étant achevés vers 1800 avec laide de la guilde des couturiers bucarestois, qui sinstallent du côté est de cette banlieue. A regarder la carte du Bucarest de lan 1770, on constate quà lest de cette colline il ny avait que des vignobles et des jardins. Propriété de lEglise métropolitaine, ces terres assez étendues étaient habitées par des esclaves tsiganes, qui accomplissaient certaines besognes auprès de ce lieu de culte. Ce quartier pauvre ne figurait donc pas sur la première carte de Bucarest. Il ny apparaît en tant que zone habitée quaux alentours de lan 1800, date à laquelle les chroniques consignent quelque 59 habitations dans les parages.
Qui habitait là ? Sagissait-il dindigents, ce qui expliquerait lappellation du quartier? Détails avec Edmond Niculuşcă: « Daprès certains historiens, le faubourg Flămânda et son église étaient très pauvres. On ne dénombrait quune cinquantaine de maisons et peu de familles. Certains autres affirment que les mendiants et les malades chroniques venaient demander laumône devant lEglise métropolitaine. Ces malheureux, on les envoyait à la petite église au pied de la colline, pour y recevoir nourriture, abri et parfois même quelques sous. Il faut savoir aussi quune véritable hiérarchie régissait la vie dans le faubourg Flămânda. Par exemple, la rue principale, celle dans laquelle on retrouvait léglise et la buvette, était habitée par lélite du quartier, pour ainsi dire. Entendez par élite le prêtre et son épouse – la seule femme que lon appelait « madame »- le policier ou bien des petits fonctionnaires. Le reste cétaient des gens qui traînaient autour de la maison ou chez les voisins ».
La structure sociale du faubourg Flămânda va changer au fil du temps, au point quaprès 1920 elle nest même plus désignée par le terme de mahala, quartier pauvre. Edmond Niculuşcă. « Cette zone se joint au centre ville vers le milieu du XIXe siècle, lors de lextension de Bucarest. De très belles maisons y apparaissent. On peut encore admirer certaines dentre elles aujourdhui. Cest aussi le cas de la demeure de larchitecte du Château de Peleş. Sur le lopin de terre quil avait reçu, il a fait bâtir un édifice impressionnant, utilisant même des matériaux amenés du chantier de Peleş. La maison et le quartier tout entier dailleurs ont été sauvés comme par miracle des démolitions pratiquées sous le régime communiste pour faire de la place aux grands boulevards et aux nouvelles bâtisses. Lancienne banlieue Flămânda se retrouve de nos jours au cœur dune zone qui garde intacte lâme du Bucarest dantan. » (trad. : Mariana Tudose)