L’architecte Edmond van Saanen-Algi
De nombreux hommes de culture, scientifiques et hommes d’affaires qui ont contribué à la modernisation de la Roumanie et de sa capitale, Bucarest, portent des noms étrangers. Pourtant, de par leur naissance et surtout leur activité, ils appartiennent à l’histoire et à la culture nationale. C’est aussi le cas de l’architecte Edmond Van Saanen-Algi, dont le nom est lié au Palais des téléphones (siège des Télécoms) et la villa Istrate Micescu, ancien siège de la Bibliothèque pédagogique, située dans le jardin de Cişmigiu.
Christine Leșcu, 13.07.2015, 13:39
L’historienne de l’art Oana Marinache, cosignataire, aux côtés de Gabriel Badea-Păun, du livre « Edmond Van Saanen-Algi, depuis les ballets russes au Palais des téléphones », évoque pour nous les origines et la personnalité de cet architecte original : « Son nom à résonance étrangère nous fait penser à des terres éloignées. En effet, ses prédécesseurs paternels étaient originaires des Pays – Bas, mais depuis trois générations déjà, ils vivaient en Roumanie. Etabli à Bucarest sous le règne du prince Bibescu, son grand-père allait entamer une véritable dynastie active sur les plans économique et artistique. Sa mère, Louise Bruzzessi, était issue de la famille d’un ancien combattant pour l’unification de l’Italie et qui avait ouvert un bistro à Bucarest. »
Edmond Van Saanen est né en novembre 1882. L’historienne de l’art Oana Marinache : « Son père, Robert Van Saanen, a joué un rôle décisif dans la création de la Banque centrale de Roumanie, ayant compté parmi les quatre membres fondateurs. Il a également été secrétaire de cette institution. Après la séparation de son épouse, la mère d’Edmond, il déménage à Galaţi. Edmond grandit donc dans une famille assez intéressante. Sa mère épousera Alexandru Algi et puis Constantin Arion, homme politique, ancien ministre des Affaires étrangères et homme de culture. Dès sa jeunesse, Edmond jouit donc d’une fortune considérable et de prestige au sein de la société roumaine. Il a eu maints talents artistiques, qu’il n’a pas toujours su mettre à profit. Edmond a flirté avec plusieurs arts. Doué pour le dessin, la peinture ou la musique, il est resté invariablement au stade des tâtonnements. Après des études à l’Institut polytechnique de Munich, il suit les cours de l’Ecole des Beaux-arts de Paris, mais il ne parvient à décrocher son diplôme qu’au bout de dix ans. Certes, ce n’est pas le talent, mais la volonté qui lui manquait. Dans les années 1907-1908, il commence à réaliser des milliers de dessins illustrant les spectacles des troupes de ballet russes. Ensuite, il part pour New York, où il découvre un nouveau type d’architecture, celui des gratte-ciel, dont il s’inspirera dans ses futures créations à Bucarest. »
Avant de transférer ce type d’architecture dans la capitale roumaine, Van Saanen a également contribué aux plans de plusieurs bâtiments de style néo-classique de Bucarest. C’est le cas par exemple de l’édifice de l’Académie d’Etudes Economiques, fruit de sa collaboration avec l’architecte Grigore Cerchez. Même dans ce cas, Van Saanen a tenté d’appliquer certaines des leçons apprises à New York, explique l’historienne de l’art Oana Marinache : « Cette construction majestueuse, en style néo-classique, avec des colonnes impressionnantes, se dresse sur la Place Romana. Un deuxième immeuble, situé derrière cette place, renvoie à l’architecture des gratte-ciel. Pour le Bucarest des années 1924-1926, c’était un élément de modernité. De nos jours, le bâtiment sert de foyer aux étudiants de l’Académie d’Etudes Economiques. Caché comme il est derrière l’édifice de l’Académie, on ne peut en apercevoir que la coupole et ce depuis une certaine distance. »
La première construction de Bucarest réalisée selon le modèle des gratte-ciel américains a été le Palais des télécoms. Il a été bâti dans les années 1931-1932 par la compagnie américaine de téléphonie ITT, sur l’Avenue de la Victoire, sur l’emplacement de la célèbre terrasse Oteteleşanu. Ses architectes ont été Edmond Van Saanen-Algi et l’Américain Louis Weeks. L’édifice, qui a suscité à l’époque de vives controverses, est à présent un symbole de la capitale roumaine, même si le nom de son architecte est plutôt méconnu. Edmond Van Saanen-Algi est mort en 1938, des suites d’un cancer. Il n’a plus eu le temps de voir sa création entièrement acceptée par les Bucarestois. (Trad. MarianaTudose)