La synagogue du « Baal Shem Tov » de Piatra Neamt
Située dans le nord-est de la Roumanie, la ville de Piatra Neamţ a été un important bourg commerçant et manufacturier dès le Moyen Age. Habité majoritairement par des Roumains, cette bourgade, également peuplée de Saxons, de Magyars et de Juifs, a accueilli une des cours princières du voïvode moldave Etienne le Grand. La communauté juive de Piatra Neamţ s’est agrandie au fil du temps, au point de constituer, vers la fin du 19e siècle, la moitié de la population de la ville. Unique lieu de culte juif construit en bois à être conservé en Europe de l’Est, la synagogue du Baal Shem Tov de Piatra Neamţ témoigne de cette histoire florissante, affirme l’écrivain Emil Nicolae-Nadler, président de la communauté juive de la ville.
Christine Leșcu, 12.01.2016, 14:46
Située dans le nord-est de la Roumanie, la ville de Piatra Neamţ a été un important bourg commerçant et manufacturier dès le Moyen Age. Habité majoritairement par des Roumains, cette bourgade, également peuplée de Saxons, de Magyars et de Juifs, a accueilli une des cours princières du voïvode moldave Etienne le Grand. La communauté juive de Piatra Neamţ s’est agrandie au fil du temps, au point de constituer, vers la fin du 19e siècle, la moitié de la population de la ville. Unique lieu de culte juif construit en bois à être conservé en Europe de l’Est, la synagogue du Baal Shem Tov de Piatra Neamţ témoigne de cette histoire florissante, affirme l’écrivain Emil Nicolae-Nadler, président de la communauté juive de la ville.
Emil Nicolae-Nadler: « Plusieurs synagogues de ce type, érigées sur les territoires actuels de l’Ukraine et de la Pologne, ont été détruites pendant la Seconde Guerre Mondiale. Epargnée comme par miracle, celle de Piatra Neamţ est restée debout. De nos jours, elle est la seule en Europe à avoir conservé sa construction originelle, laquelle a subi uniquement des travaux de restauration. Son nom, Baal Shem Tov, est celui du père du hassidisme, important courant du judaïsme, qui a introduit des éléments populaires dans le rituel religieux et la tradition judaïque, ainsi que bien des choses relevant de la magie. Difficilement acceptée par la tradition rabbinique, la pensée hassidique a finalement été intégrée, en raison du grand nombre de ses adeptes. A en croire la légende, le Baal Shem Tov se serait retiré sur le Mont Ceahlău, qu’il avait choisi comme lieu de recueillement. On dit que, le jour du Sabbat, il descendait la montagne et se rendait à la synagogue de Piatra Neamţ, qui se dressait sur le même emplacement que celui de l’actuel lieu de culte. Baal Shem Tov est mort en 1760, 6 ans avant la construction de la synagogue en bois que l’on voit aujourd’hui, mais lors des travaux de restauration on a trouvé des preuves attestant l’existence de la première ».
S’il n’y a pas de documents prouvant la véracité de cette légende, il existe, en échange, des données sur l’ancienneté de la communauté juive de Piatra Neamţ. En témoignent, entre autres, les pierres tombales datées de 1620 – 1640 découvertes dans le vieux cimetière juif de la ville. En 1766, le prince régnant de Moldavie, Grigore Ghica III, signait l’acte de fondation de cette synagogue. Il autorisait les Juifs à dresser un lieu de culte, tout en leur imposant certaines conditions, précise Emil Nicolae-Nadler : « Elle est construite en bois et ses assises sont situées à 1,80 m en dessous du niveau du sol, car Etienne le Grand avait émis un décret aux termes duquel les édifices érigés à une centaine de mètres d’un lieu de culte chrétien ne devaient pas dépasser la hauteur de ce dernier. Or le mur de l’ancienne cour princière de Piatra Neamţ se trouvait à quelque trente mètres plus loin, juste en face de la synagogue. La particularité de la synagogue consiste dans les côtés assemblés en queue d’aronde, dans les plans de construction et le matériel ligneux utilisé, à savoir le bois de chêne et de sapin, rappelant les monastères de la Vallée de la Bistriţa. Les travaux de construction, commandés par les communautés juives de la contrée de Neamţ, ont été réalisés par des maîtres artisans de l’endroit. »
Le caractère unique de la synagogue du Baal Shem Tov de Piatra Neamt réside donc non seulement dans le matériau de construction, à savoir le bois, mais aussi et surtout dans son aspect qui renvoie aux églises orthodoxes de la région. Toutes ces caractéristiques ont été préservées pendant les travaux de restauration effectués dans les années 2007-2009.
Emil Nicolae-Nadler : « Cette synagogue, nous l’avons conçue plutôt comme un objectif culturel, un musée ou un monument historique. Elle abrite une sainte urne en bois. Objet du patrimoine depuis 1835, cette urne présente beaucoup de décorations traditionnelles et renferme un Sefer Torah ramené d’Israël en 2009, à l’occasion de la réouverture de la synagogue, après rénovation. Le balcon réservé aux femmes et aux enfants a été transformé en petit musée. Il abrite différents objets – livres religieux, menoras (chandeliers juifs à sept branches), photos et documents – ayant appartenu aux familles juives ou à d’autres synagogues de Piatra Neamţ, qui ont été démolies lors des travaux d’urbanisme. Les seuls à y avoir échappé sont la synagogue du Baal Shem Tov et le temple Leipziger. »
Chaque année, d’avril à octobre, Piatra Neamţ reçoit la visite de 2000 à 2500 touristes qui s’intéressent à la pensée hassidique et à la synagogue du Baal Shem Tov. (Trad. Mariana Tudose)