La Fondation et la famille Dalles
Située près de l’Université, sur l’une des deux grandes avenues en plein cœur de Bucarest, la fondation Dalles est un endroit bien connu des Roumains. Toutefois, peu nombreux sont ceux qui font la liaison entre son nom et celui de ses fondateurs, à savoir la famille Dalles.
Christine Leșcu, 16.02.2016, 13:28
Située près de l’Université, sur l’une des deux grandes avenues en plein cœur de Bucarest, la fondation Dalles est un endroit bien connu des Roumains. Toutefois, peu nombreux sont ceux qui font la liaison entre son nom et celui de ses fondateurs, à savoir la famille Dalles.
Invité au micro de RRI, l’historien Dan Falcan nous propose une incursion dans le passé de cette famille: « Ioan Dalles était d’origine grecque. A l’instar de tant d’autres compatriotes, ses parents s’étaient établis dans les Principautés roumaines à l’époque des princes phanariotes. Né en 1816, Ioan Dalles avait choisi de gagner sa vie en tant que commerçant. L’argent, il l’a par la suite investi dans l’acquisition de plusieurs domaines, dont le plus important est celui de Bucşani, du comté de Dâmboviţa, près de la ville de Târgovişte. Ce très beau domaine, il l’avait acheté à la princesse Cleopatra Trubetskoï, propriétaire d’une célèbre maison sise Avenue de la Victoire et que l’on peut admirer aujourd’hui encore. Le domaine de Bucşani s’étendait sur une centaine d’hectares. Ioan Dalles a épousé Elena Anastasescu, fille de propriétaires fonciers du comté de Dâmboviţa. Ensemble, ils ont engrangé une grosse fortune. Avant 1918, les Dalles passaient pour une des familles les plus riches du pays. C’étaient des gens très laborieux et dévoués aux habitants des lieux. Ils ont pris soin des paysans qui travaillaient leurs terres. »
Voilà pourquoi le domaine de Bucşani et la famille Dalles n’ont pas eu à souffrir pendant la révolte paysanne de 1907. Toutefois, la diligence et l’honnêteté des Dalles n’ont rien pu contre le sort qui les a durement éprouvés, affirme l’historien Dan Falcan: « Ioan G. Dalles et Elena ont eu trois enfants. Malheureusement, George, l’aîné, est mort à seulement trois ans. D’ailleurs, en ces temps-là, la mortalité infantile était très élevée. Un autre malheur allait s’abattre sur eux en 1892, lorsque leur fille, Dora, mourra à cause d’un amour non partagé. Entre temps, plus précisément en 1886, Ioan Dalles, de 33 ans plus âgé que sa femme, avait lui aussi rendu l’âme. Cette différence d’âge ne les avait pas empêchés de former un couple heureux et bien soudé. Enfin, le dernier enfant, Ioan I. Dalles ou Jean Dalles, qui emprunta d’ailleurs son nom à la fondation actuelle, allait quitter ce monde dans la fleur de sa jeunesse, à 40 ans ».
Après la mort de Jean Dalles, la fortune et les affaires familiales seront gérées par Elena Dalles, la mère. C’est grâce à elle que le nom de la famille entrera dans l’histoire. Elle a survécu à toutes les tragédies de sa vie, n’a pas perdu ses idéaux et n’a jamais abandonné les œuvres caritatives. La Fondation Dalles est le fruit de sa volonté, explique Dan Falcan: « En dépit des grands coups du destin, elle a trouvé bon de mettre son immense fortune au service du bien-être de ses semblables. Après la mort de Jean Dalles, Elena a décidé de créer une fondation portant le nom de son fils et ayant pour but de promouvoir les valeurs culturelles roumaines. Elena Dalles est morte en 1921. Toute sa fortune, qui se montait à plus de 20 millions de lei – une somme énorme pour cette époque-là -, elle l’a léguée par testament à l’Académie roumaine pour que celle-ci crée la fondation Dalles. Malheureusement, des imprécisions juridiques et la crise économique mondiale qui venait d’éclater allaient reporter jusqu’en 1932, soit 11 ans après la mort d’Elena, la naissance de la fondation. Cette université ouverte à tout le monde se proposait d’instruire les Roumains. N’importe qui pouvait suivre les cours dispensés par des personnalités de la culture et des sciences de l’entre-deux — guerres, dont l’historien Nicolae Iorga, les compositeurs George Enescu et Mihail Jora, les écrivains Camil Petrescu et Mihail Sadoveanu ».
La construction du siège de la fondation Dalles, nous la devons à l’architecte Horia Theodoru et à l’ingénieur Emil Prager. Dans les années ’50, les communistes l’ont rehaussé de plusieurs étages, destinés au logement. La fondation Dalles a toujours gardé sa vocation d’université populaire et sa célébrité demeure intacte aujourd’hui encore. (trad.: Mariana Tudose)