La centrale hydraulique des Portes de Fer
Steliu Lambru, 07.09.2015, 13:58
Le baron William George Armstrong est considéré comme le créateur de la première source d’énergie électrique, produite par la force de l’eau. La centrale hydroélectrique qu’il a mise au point en 1876 pouvait éclairer une maison. Depuis l’invention d’Armstrong, les équipements producteurs d’énergie hydro-électrique ont connu un développement et une diversification significative. Un pays bénéficiant d’un important réseau hydrographique comme la Roumanie ne pouvait pas ne pas l’utiliser pour développer son industrie énergétique et couvrir ses besoins de consommation.
La production d’électricité hydraulique présentant certains avantages, elle a été préférée à la technologie thermique. Parmi ces avantages, il faut rappeler les possibilités d’adapter les équipements, les coûts réduits de production et d’exploitation, de faibles émissions de dioxyde de carbone, la possibilité d’utiliser le lac de retenue à d’autres fins, une meilleure utilisation pour certaines industries.
Vers le milieu des années ’60, la Roumanie et la Yougoslavie se mettaient d’accord sur le fait qu’à l’endroit où le Danube franchit la chaîne des Carpates, traçant la frontière entre les deux pays, une centrale hydraulique pouvait être érigée. A son utilité économique s’ajoutait une signification politique : la prise de distance de la Roumanie par rapport à l’Union Soviétique et son rapprochement de la Yougoslavie de Tito, en désaccord avec l’idée d’une patrie du socialisme dès 1948. La future centrale, baptisée « Les Portes de Fer », allait être, pour les deux pays, le plus grand producteur d’énergie électrique.
Les préliminaires furent lancés en septembre 1963, par la signature, à Belgrade, d’un accord sur la mise au point d’un système hydro-énergétique et de navigation des Portes de Fer. Quelques mois plus tard, en janvier 1964, les premiers fonds étaient alloués pour réaliser ce système, les travaux proprement-dits démarrant en septembre 1964. Ils allaient durer 6 ans, jusqu’au mois de mai 1972, chacun des deux pays construisant, sur son propre territoire, sa partie du projet.
Le barrage de la centrale hydraulique, mesurant 1278 mètres de long, a été construit à 15 kilomètres en amont de la ville de Drobeta Turnu Severin, dans une zone montagneuse d’une rare beauté. Le futur lac de retenue allait mesurer 100 km de long, le volume d’eau emmagasinée étant de 2.200 millions de mètres cubes. La puissance totale de la centrale est de 2160 MW, dont la partie roumaine utilise la moitié et la partie serbe l’autre moitié. La centrale des Portes de Fer produit annuellement environ 5120 GW, chaque côté de la centrale étant doté de 6 turbines Kaplan. Le passage des navires se fait par des écluses, parmi les plus grandes jamais utilisées pour une centrale hydraulique.
A une soixantaine de km en aval de la ville de Drobeta Turnu Severin, entre 1977 et 1984, la Roumanie et la Yougoslavie ont construit une deuxième centrale hydraulique, de moindre puissance – soit de 500 MW – appelée « Les Portes de Fer II ». La mise en œuvre d’un projet si impressionnant a pourtant demandé des sacrifices. L’île d’Ada-Kaleh, une oasis de culture et de civilisation orientale habitée, jusqu’en 1968, par une population d’origine ethnique turque, se trouve à présent sous les eaux du lac de retenue. L’ancienne ville d’Orşova a également été submergée par les eaux du Danube, les habitants de cette bourgade et de 10 autres localités ayant été déplacés à des endroits plus élevés de la rive. Enfin, pendant les travaux de construction de la centrale, une centaine de personnes sont mortes dans des accidents de travail.
La zone de la centrale hydraulique des Porte de Fer est magnifique. Outre la construction, elle-même spectaculaire, le voyage à travers les gorges du Danube, les plus grands d’Europe, offre un décor de conte de fées. Un parc naturel y a été d’ailleurs créé. Ces lieux sont également chargés d’histoire et comptent de nombreux vestiges archéologiques. L’armée de l’empereur Trajan est passée par là, en 101-102 et en 105-106, après J.-C., lors de ses campagnes contre les Daces dirigés par Décébale. Et c’est toujours là que l’on peut voir un des pieds du pont construit par Apollodore de Damas, sur les ordres de Trajan, pour que les légions de l’empereur puissent traverser le fleuve. (trad. Dominique)