Gherla, une ville baroque
Située près du centre de la Roumanie, à une cinquantaine de kilomètres de Cluj, Gherla est la première ville transylvaine conçue selon des principes modernes. Et son unicité ne s’arrête pas là. La ville moderne de Gherla a été imaginée en style baroque et l’histoire urbanistique de la localité est étroitement liée à la communauté arménienne de Transylvanie. En fait, pendant plus de deux siècles, Gherla était connue plutôt comme Armenopolis, soit la ville des Arméniens. C’est dans cette localité attestée dès l’Antiquité que les Arméniens arrivent vers la fin du 17e siècle et le début du 18e, en provenance notamment de Moldavie, où ils avaient développé de riches communautés fondées sur le commerce et différents autres métiers.
Christine Leșcu, 03.03.2017, 12:58
Située près du centre de la Roumanie, à une cinquantaine de kilomètres de Cluj, Gherla est la première ville transylvaine conçue selon des principes modernes. Et son unicité ne s’arrête pas là. La ville moderne de Gherla a été imaginée en style baroque et l’histoire urbanistique de la localité est étroitement liée à la communauté arménienne de Transylvanie. En fait, pendant plus de deux siècles, Gherla était connue plutôt comme Armenopolis, soit la ville des Arméniens. C’est dans cette localité attestée dès l’Antiquité que les Arméniens arrivent vers la fin du 17e siècle et le début du 18e, en provenance notamment de Moldavie, où ils avaient développé de riches communautés fondées sur le commerce et différents autres métiers.
Davantage de détails sur les débuts de cette migration vers la Transylvanie, avec Lucian Nastasa-Kovacs, directeur du Musée d’art de Cluj-Napoca : « Le prince transylvain de l’époque, Apafi, était très intéressé à attirer en Transylvanie des acteurs économiques extrêmement actifs. Et ces acteurs, c’étaient les Arméniens. Dans une première phase, vers la fin du 17e siècle, ceux-ci se sont établis à Bistrita, dans le nord. Mais Bistrita était une ville dominée par les Saxons, dont les habitants faisaient également de petits métiers. C’est pourquoi, en 1712, l’épidémie de peste a été utilisée en tant que prétexte pour chasser les Arméniens de la ville. Ce sont eux qui se sont établis ensuite à Gherla, une ville qui a appartenu en fait à la communauté arménienne, conformément à des documents émis par la Cour Impériale de Vienne. Après l’arrivée des Arméniens, la ville fut aménagée selon les normes d’urbanisme à la mode au 17e siècle. Elle a été partagée en carrés et entourée de murailles, avec plusieurs portes d’accès. »
Peu après, la communauté arménienne de Gherla est devenue plus nombreuse, pour arriver à avoir un statut privilégié, subordonné uniquement à la Cour impériale de Vienne.
Aux dires de Lucian Nastasa-Kovacs, la fortune de la communauté était due au commerce et aux entreprises manufacturières : « Ces deux activités ont beaucoup rapporté à la communauté locale, qui est devenue tellement prospère qu’elle prêtait de l’argent à la Cour de Vienne. Et ceci, même si la Cour Impériale évitait de rembourser ses dettes invoquant des périodes de récession. Finalement, une délégation des Arméniens de Gherla, arrivée à Vienne alors que leur ville venait d’ériger une immense cathédrale, a demandé à l’empereur ce qu’il pouvait offrir en échange des prêts accordés. Cette anecdote explique pourquoi une impressionnante toile de Rubens, appelée « La descente de Jésus de la Croix » est arrivée à Gherla. Vu que c’était toutefois une peinture de petites dimensions, elle n’a pas satisfait les exigences imposées par les dimensions de la cathédrale et n’a pas été installée derrière l’autel. Mais la chapelle était prête à l’accueillir et c’est pourquoi aujourd’hui cette toile est l’unique peinture de Rubens qui peut être admirée à titre gracieux. »
La cathédrale catholique arménienne a été érigée au 18e siècle, durant la période de construction de la ville baroque. Une autre église érigée à l’époque qui existe de nos jours encore, c’est l’église Solomon, le premier lieu de culte des Arméniens de Gherla. La nouvelle ville avait quatre rues étroites et parallèles croisées par la rivière Somes et bordant une place centrale. En 1864, le parc Elisabeth est inauguré. Surnommé «Le petit Schönbrunn», il fut conçu comme un immense jardin anglais. Parmi les bâtiments néobaroques, antérieurs à l’arrivée des Arméniens, on peut admirer aujourd’hui encore la Citadelle de Gherla, appelée aussi Citadelle Martinuzzi, érigée au milieu du 16e siècle et transformée à l’époque communiste en prison de haute sécurité, destinée surtout aux détenus politiques. L’aspect spécifique de la ville est pourtant donné par le style architectural baroque, un baroque surprenant par la sobriété et par la simplicité typiquement autrichienne.
Lucian Nastasa-Kovacs ajoute : « J’invoquerais comme représentative pour ce style, la Maison Karacsony, qui accueille de nos jours le Musée d’histoire de Gherla. En fait, toute la rue principale sur laquelle se trouve cet édifice est pleine de ce genre de maisons. A l’époque où les Arméniens sont arrivés en Transylvanie, la principauté était soumise à l’Empire Autrichien. Donc, côté urbanisme, aucun aspect n’a été ignoré et la ville a respecté des projets édilitaires et architecturaux très bien conçus et extrêmement pratiques. »
La ville surnommé Armenopolis commence à régresser après la Première guerre mondiale, suite à l’industrialisation et à la migration des Arméniens vers Cluj. Quelques familles arméniennes seulement vivent de nos jours encore à Gherla. (Trad. Alex Diaconescu)