Centrales hydrauliques en Roumanie
Depuis la nuit des temps, l’homme considère l’eau comme un des éléments sacrés sur lesquels s’appuie la vie, aux côtés du feu, de la terre et de l’air. Et c’est toujours depuis des lustres qu’il s’efforce d’apprivoiser l’eau. Il est écrit dans le Vieux Testament que l’eau était perçue non seulement comme une source de la vie, mais aussi comme un moyen entre les mains des divinités pour punir les humains. Dompter l’eau cela veut dire dresser des ponts, construire des canaux, des digues, des barrages ou des écluses pour mettre l’eau au service du bien-être des communautés.
Steliu Lambru, 17.09.2016, 14:27
L’historien grec Hérodote mentionnait les travaux d’endigage du Nil que le pharaon Ménès avait commandés afin de protéger la capitale Memphis contre les crues annuelles du fleuve. Dans l’espace roumain, les premières attestations documentaires d’intervention humaine sur les grands cours d’eau remontent à l’époque de l’empereur romain Trajan. C’est par ses soins que, dans les années 102-105 après J.- C., fut construit à Drobeta, sur le Danube, le plus grand pont de l’Antiquité. Par ailleurs, les communautés locales vivant à proximité des cours d’eau ont dressé de petits barrages artisanaux pour acheminer l’eau des rivières vers les moulins servant à moudre les grains.
Dans la seconde moitié du 18e siècle, le développement des techniques hydrauliques a élargi les possibilités d’actionner les différents mécanismes par la force de l’eau. Au 19e siècle, l’invention du générateur électrique, qui convertit l’énergie mécanique en énergie électrique allait marquer les débuts de l’hydroélectrique. C’est l’ingénieur anglais William George Armstrong qui a conçu, en 1878, le premier plan d’une centrale hydraulique. La première usine de ce type allait commencer à fonctionner en 1881, du côté américain des chutes du Niagara. Elle s’appelait Schoellkopf Power Station No. 1, à la mémoire de son créateur, l’ingénieur allemand Jacob Friedrich Schoellkopf.
C’est en 1882 que l’on commence à produire de l’énergie en Roumanie, d’abord dans des centrales thermiques à charbon. Le premier édifice éclairé à l’électricité, en 1884, fut le château de Peles, résidence des rois de Roumanie. Les débuts de l’hydroélectricité en Roumanie sont liés au nom de l’ingénieur Dimitrie Leonida, diplômé du prestigieux Institut polytechnique de Charlottenburg, en Allemagne. En 1908 il décrochait le titre d’ingénieur avec le projet de la future centrale hydraulique de Bicaz-Stejaru, construite en 1960. Après la Grande Guerre, plus précisément entre les années 1926 et 1929, l’ingénieur et professeur des universités Dorin Pavel dressait l’inventaire du réseau hydrographique de la Roumanie et de son potentiel énergétique. Selon ses estimations, la puissance hydroélectrique du pays avoisinait à ce moment-là les 5.200 mégawatts. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, les projets de centrales hydrauliques allaient rester confinés au stade de la conception. Le régime communiste, installé le 6 mars 1945 a ouvert, après 1948, de grands chantiers pour la construction de barrages sur les grands rivières et fleuves du pays.
Les centrales hydrauliques les plus importantes, d’une puissance installée de 5173 mégawatts, allaient être construites entre 1960 et 1990. Parmi elles, celles de Bicaz-Stejaru, des Portes de Fer, de Vidraru et de Paltinu. 28 autres, avec une puissance installée de 702 mégawats, sont apparues après 1990. Début 2014, la puissance électrique du pays était de 6690 mégawatts, soit 26% de la totalité des sources d’énergie. La Roumanie dénombre à présent 250 barrages dont la hauteur est comprise entre 5 et 168 mètres. Le plus grand est celui de Gura Apei, sur la rivière Râul Mare, dans les Monts Retezat. Construit entre 1975 et 1986, il fait 168 m de haut. Le plus long des barrages, soit 1278 m et dont la construction remonte aux années 1964 – 1972, on le retrouve aux Portes de Fer I, à l’entrée du Danube dans le pays. Le lac de retenue est exploité conjointement par la Roumanie et la Serbie. Quant à la plus ancienne des constructions de ce type, elle se trouve sur la rivière Bistrita. Il s’agit du barrage de Bicaz-Stejaru, mis en service en 1960.
La rivière Olt, qui prend sa source dans le Massif Hăsmasu Mare et qui se jette dans le Danube après avoir parcouru 614 km, compte le plus grand nombre de barrages, à savoir 32. A Bucarest aussi il existe un barrage de 15 m de haut, derrière lequel s’est formé une immense étendue d’eau, connue sous le nom de « Lacul Morii », « Le lac du moulin ».Les efforts financiers considérables et surtout les sacrifices humains qu’ils ont supposés ont valu aux chantiers installés pour la construction des barrages hydro-électriques dans la période 1950 – 1989 le surnom de « Chantiers de la terreur ». Rien qu’un exemple: la construction du barrage de Bicaz-Stejaru, qui s’est étendue sur une dizaine d’années, de 1950 à 1960, a été synonyme de l’extermination de plusieurs centaines de détenus politiques, du fait de la précarité des conditions de travail et de vie. Enfin, l’île d’Ada-Kaleh, une oasis de culture et de civilisation orientale habitée, jusqu’en 1968, par une population d’origine ethnique turque, se trouve à présent sous les eaux du lac de retenue du barrage des Portes de Fer.