Architectes tchèques à Bucarest
La modernisation des principautés roumaines de Valachie et de Moldavie, accentuée notamment durant la deuxième moitié du 19e siècle, a attiré de nombreux étrangers dans ces deux pays pour combler les déficits auxquels se confrontait la société roumaine dans de nombreux domaines, et ce après plusieurs siècles d’influence ottomane. Un de ces domaines, c’était l’architecture. Ainsi s’explique le fait que certains immeubles représentatifs pour la ville de Bucarest portent l’empreinte d’architectes étrangers, dont certains Tchèques.
Monica Chiorpec, 15.11.2016, 14:00
La modernisation des principautés roumaines de Valachie et de Moldavie, accentuée notamment durant la deuxième moitié du 19e siècle, a attiré de nombreux étrangers dans ces deux pays pour combler les déficits auxquels se confrontait la société roumaine dans de nombreux domaines, et ce après plusieurs siècles d’influence ottomane. Un de ces domaines, c’était l’architecture. Ainsi s’explique le fait que certains immeubles représentatifs pour la ville de Bucarest portent l’empreinte d’architectes étrangers, dont certains Tchèques.
Anton Onderca en est un. Activant dans l’espace roumain à compter de 1856, il a préféré le style néoclassique et s’est consacré principalement à la création d’immeubles à usage commercial sur la rue marchande de Lipscani, à Bucarest. Pourtant, son activité n’est pas aussi connue que celle d’un autre architecte tchèque : Carol Benisch (1822 – 1896). Arrivé dans l’espace roumain dans les années 1847, Benisch a travaillé longtemps pour le service public de la Valachie, sous la direction de l’architecte suisse Johann Schlatter, en tant qu’architecte de monastères, impliqué dans la restauration des monastères de la Vallée de l’Olt : Tismana, Cozia et Arnota, ainsi que du monastère de Bistrita, dans le nord de la Moldavie.
L’historienne de l’art Oana Marinache a publié aux éditions « Istoria Artei » une monographie intitulée « Carol Benisch, 50 années d’architecture ». Oana Marinache passe en revue l’activité de l’architecte tchèque : « Un des projets représentatifs pour notre capitale, qui commence en 1857 et s’achève vers 1872, même si l’inauguration officielle a eu lieu en 1864, c’est le Palais de l’Académie ou l’Université. L’implication de Benisch est très bien documentée et c’est lui qui a participé à la conception du corps central. Aux côtés du sculpteur Carol Storck, il s’occupe de sa décoration, pour entrer les années suivantes dans l’aménagement de plusieurs salles, laboratoires et amphithéâtres de l’Université. A cette occasion, il est non seulement architecte, mais aussi chef de chantier. »
Entre 1875 et 1876, Benisch collabore avec la famille Bibescu – Basarab – Brancovan pour réaliser des immeubles qui allaient accueillir plus tard un asile, une école et un hôpital. Et si ces bâtiments ont disparu de nos jours, l’asile Elena Doamna et l’église Domnita Balasa existent encore.
Oana Marinache : « Entre 1860 et 1870, Benisch, en collaboration avec l’architecte d’origine dalmate Ludwig Lipizer, réalise un grand projet philanthropique : l’asile Elena Doamna. C’était une démarche dont l’initiateur a été le docteur Carol Davila. En fait il s’agissait d’un orphelinat qui fonctionnait sous le patronage de l’épouse du prince régnant Alexandru Ioan Cuza, Elena. Plus tard, cet établissement fonctionnera grâce aux soins de la reine Elisabeth, l’épouse de Carol Ier. D’ailleurs, la chapelle située à l’intérieur de ces immeubles, conçue également par Benisch en 1870, était elle aussi consacrée à Elisabeth. Le troisième lieu de culte portant le nom de Domnita Balasa, la Princesse Balasa, la fille de Constantin Brancovan, est le fruit de la coopération entre Benisch et Alexandru Orascu. Ils ont travaillé sous la supervision de l’architecte français André Lecomte du Nouÿ, un personnage agréé aussi par la Maison royale que par la famille qui avait commandé les travaux, les Basarab – Brancovan ».
Et c’est dans la deuxième moitié du 19e siècle que Benisch est aussi l’architecte que le chef de chantier du projet de la Cathédrale catholique Saint Joseph, érigée entre 1873 et 1884, selon les plans de l’architecte viennois Friedrich Schmidt. Mais peut-être que l’architecte tchèque le mieux connu à avoir travaillé dans l’espace roumain est Karel Liman. Il a été architecte de la Maison royale de Roumanie à compter de 1904 et jusqu’à sa mort en 1929.
Oana Marinache passe en revue les principaux repères de la biographie de Karel Liman : « Il a vécu entre 1855 et 1929. Né dans la localité de Mlada Boleslav, en Bohême, il fait ses études à Prague et à Munich. Entre 1884 et 1885 il arrive à travailler pour la Maison royale de Roumanie, étant embauché par le ministère des Cultes et de l’Instruction publique. Après 1894, il ouvre son propre cabinet et signe ensuite plusieurs projets tels la construction d’une grande partie du Palais de Pelisor, ainsi que les travaux d’élargissement du Palais de Peles durant la première décennie du 20e siècle, les deux à Sinaia. Entre les deux guerres mondiales, plus précisément entre 1924 et 1929, il est en charge de l’aménagement du château de Bran pour la reine Marie. En étudiant ses mémoires, on découvre le fait que Liman était l’architecte qui comprenait le mieux et respectait le plus les goûts excentriques de la reine ».
A Bucarest, Karel Liman a également participé à la construction du Palais royal situé sur l’Avenue Victoriei de Bucarest et qui accueille actuellement le Musée national d’art de Roumanie. (Trad. Alex Diaconescu)