Roumains en faillitte – la loi de l’insolvabilité des personnes physiques
Alléger la situation de tout débiteur de bonne foi confronté à des difficultés financières indépendantes de sa volonté...
Florin Orban, 30.06.2015, 15:26
La Chambre des Députés de Bucarest, en tant que forum décisionnel, vient dadopter la Loi sur linsolvabilité des personnes physiques, qui a été promulguée par le président Klaus Iohannis. De lavis de ses initiateurs, cette loi était nécessaire notamment suite au déclenchement, cet hiver, de la crise engendrée par lappréciation importante du franc suisse par rapport à leuro et à la monnaie roumaine. A ce moment-là, pratiquement, des milliers de Roumains se sont retrouvés dans limpossibilité de rembourser leurs crédits en monnaie suisse.
« Le projet est fondé sur des études effectuées dans 12 Etats et il est le fruit des débats entamés dès mars 2014 avec toutes les institutions impliquées. La loi sera dune grande utilité pour les Roumains de bonne foi qui suffoquent sous leurs dettes » – affirmait linitiatrice de cette loi, la députée Ana Birchall, du Parti Social Démocrate (PSD).
Les dispositions de cette loi sont conçues de manière à pouvoir alléger la situation de tout débiteur de bonne foi confronté à des difficultés financières indépendantes de sa volonté. La nouvelle loi permet un rééchelonnement des dettes, suivant un plan de redressement sur 5 ans, pouvant être prolongé dun an. Au moment où il ouvre une procédure dinsolvabilité, le débiteur ne peut plus faire lobjet dune exécution forcée et il évite toute pénalité ou majoration due au retard de paiement.
Aux termes de la loi, tout débiteur qui, 90 jours après le délai de paiement dune dette sait quil ne peut plus rembourser sa dette, peut se déclarer insolvable et se redresser du point de vue financier, suivant un plan de remboursement – affirme Ana Birchall: « Il y a deux procédures : lorsque le débiteur na aucune chance de se redresser, il peut demander la liquidation ou il peut ré échelonner ses dettes, suivant le plan de remboursement quil propose, étant conseillé et surveillé par un administrateur désigné par une commission dinsolvabilité. Cet administrateur peut être un praticien de linsolvabilité – avocat, notaire ou huissier de justice. Les dépenses exigées par la procédure de remboursement sont prévues dans le plan de remboursement, alors que les dépenses nécessaires pour démarrer cette procédure sont supportées par le budget de lEtat » – a précisé la députée.
Le professeur Adrian Mitroi, de lAcadémie détudes économiques de Bucarest, a parlé de cette loi dans une interview à la Radio publique : « Cette loi a été adoptée un peu à la hâte – à mon avis. Car une loi dune telle importance pour le système devait être examinée beaucoup plus attentivement. Un grand nombre de facteurs sont concernés et je pense que nous ne devrions pas être pressés, car cette hâte peut avoir des effets négatifs. Un système moderne dinsolvabilité doit comporter une telle loi, mais dautres étapes préliminaires devaient être parcourues. Les parties intéressées sont nombreuses et on devait les consulter toutes : la Banque centrale, les banques commerciales, les institutions internationales. Une étude dimpact était nécessaire, pour voir quels sont les effets dune telle loi. On avait besoin dun soutien international approprié, il nous faut des juges qui aient du temps, un savoir-faire et de la patience pour une telle entreprise. Nous devions nous inspirer dautres nations – européennes et américaines, anglo-saxonnes – qui font cela couramment. Et puis, je pense quil nous faudrait également des institutions que nous ne possédons pas. Par exemple linstitution du score de crédit. On a un score de crédit, de très bons débiteurs et qui prêtent de bonne foi bon marché et dans des conditions confortables, alors que dautres ont plus de difficultés. Il y a beaucoup de choses liées entre elles et beaucoup denjeux, aussi bien pour les personnes impliquées et pour celles qui ne le sont pas – soit les personnes qui se trouvent dans une situation difficile et qui continuent, quand même, de payer leurs mensualités à la banque. »
Le professeur Adrian Mitroi sest également rapporté à limpact de louverture de la procédure dinsolvabilité sur les personnes physiques : « Ny voyez pas une solution. Ce nest pas du tout facile, croyez-moi ! Ce nest ni facile, ni confortable lorsque quelquun dautre sera entièrement responsable de toutes vos affaires personnelles, de tous les paiements, tout incombera à quelquun venu de lextérieur. Cet avantage est seulement temporaire. A la façon dont je comprends les choses, cette position créera aussi un peu de hasard moral au sein de la société, car ceux qui se trouvent dans une situation tout aussi difficile, mais qui ont payé jusquici, ressentiront que cette loi nest pas absolument juste, quelle favorise certaines personnes. Et cette perte à imputer aux banques ne restera pas uniquement la perte des banques, tôt ou tard, dune façon ou dune autre, elle sera transférée à dautres clients et aux futurs clients et aux bons payeurs etc. Aussi, létude dimpact dont je parlais devait maintenir cette équité sociale et économique, car il sagit dune loi fondamentale, dimportance stratégique – du moins je le pense. »
Notons que les experts du FMI ont déclaré leur inquiétude face à lapprobation de la loi de linsolvabilité des personnes physiques, en labsence dune étude dimpact appropriée et lAssociation roumaine des banques partage leur avis. De toute façon, reste à voir le délai dentrée en vigueur de cette loi, car elle doit encore être adoptée par le gouvernement roumain, qui doit également avaliser les normes dapplication. (trad. : Dominique)