Pour une meilleure transparence dans les accords commerciaux de l’UE
Lannée qui vient de sachever a apporté son lot de nouvelles dans le domaine des accords commerciaux conclus par lUnion européenne avec ses principaux partenaires.
Florin Orban, 28.08.2018, 14:03
2017 a été lannée de lentrée en vigueur du CETA – lAccord commercial largement compréhensif conclu avec le Canada. Estimation est faite que le volume des relations commerciales bilatérales va augmenter de manière significative grâce à cet accord. Il semble que lon assistera, par exemple, à une hausse annuelle de 23% du volume des exportations européennes vers le Canada. Aussi, la progression annuelle du PIB au niveau de lUE serait denviron 11,6 milliards deuros. Les exportations de blé, de farine et de vin sur le marché canadien se dérouleront dorénavant sans frais de douane. En même temps, les tarifs à lexportation dans le domaine des constructions mécaniques qui sélevaient à 9,5% seront supprimés suite à la mise en œuvre de lAccord CETA.
En revanche, le succès des négociations entre lUnion européenne et les Etats-Unis a été bien plus mitigé. La partie américaine a freiné les avancées enregistrées dans les négociations pour la conclusion du Partenariat transatlantique de commerce et dinvestissement, le TTIP, après larrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis.
Aussi, il convient de remarquer que, alors que les accords commerciaux négociés ou conclus par lUnion européenne ont bénéficié dun soutien manifeste de la part des institutions européennes, ils ont été fortement malmenés et critiqués à lintérieur de lUnion.
Des représentants des agriculteurs, des associations actives dans le domaine de la protection de lenvironnement ou des organisations syndicales ont protesté ouvertement, parfois violemment, à lencontre des accords négociés par Bruxelles.
Leurodéputé roumain Iuliu Winkler est vice-président de la Commission du Commerce international du Parlement européen et il est également membre du Parti populaire européen. Selon lui, la principale préoccupation concernant la manière dont la négociation de ces accords commerciaux est menée, cest labsence danalyses dimpact au niveau des régions de lUnion européenne.
Iuliu Winkler: « Prenons le rapport coûts – bénéfices dans le cadre dun accord commercial… Cest un élément souvent ignoré à Bruxelles. Alors, lorsque je rappelle ce principe au sein de la Commission du Commerce international du PE, mes collègues ne sont pas très contents. Pour être plus clair : qui est chargé de produire une analyse du rapport coûts/bénéfices dun accord commercial entre lUnion et ses partenaires au niveau régional ? Parce que cest quelque chose qui na jamais été réalisé. On dit : « On va gagner autant de milliards, on va dégager autant de milliers demplois » ? Mais doù cela viendra-t-il? Et alors, le gros problème cest que lorsque lon conclut par exemple le volet agricole dun accord commercial, ou le volet export de technologie, lorsquon discute de laccès à un marché, donc quand on réalise ces types danalyses on constate que, malheureusement, une bonne partie des bénéfices se situe dhabitude en Europe Occidentale. Donc on voit les bénéfices dun accord qui vont sans exception vers les régions de lOuest ou encore du Nord de lEurope. Cest là que sont basées les multinationales européennes, les grandes entreprises commerciales, les grands exportateurs. Le plus grand exportateur européen est, évidemment, lAllemagne, qui exporte aussi des produits à grande valeur ajoutée, et à la pointe de la technologie. Alors que les frais de ces accords sont malheureusement souvent assumés par les pays de lEst tels la Roumanie. Au moment où des négociations ont lieu avec la Chine… La Roumanie a dû restructurer son industrie métallurgique à la fin des années 90, cétait lune des conditions de pré adhésion imposée par lUE. Nous avons réduit les surcapacités de production héritées de lépoque communiste, et donc on a déjà fait les frais de cette restructuration. Cela est tout aussi vrai pour lindustrie sucrière ou pour lindustrie chimique, pour ne donner que ces exemples. Or, actuellement, il paraît que, à nouveau, si on savérait incapables de protéger nos industries européennes face aux surcapacités de la production métallurgique chinoise, par exemple, nous allons faire les frais une seconde fois. Car cest bien de nous quil sagit. Qui est-ce qui possède encore des capacités de production de ce type en Europe? Très peu de pays. Mais, en plus, on manque de compétitivité à lEst, et alors cest nous qui allons faire les frais de ces accords commerciaux. »
Un deuxième élément qui fait débat dans le contexte, cest labsence de transparence lors du processus de négociation. Le député européen Iuliu Winkler pense néanmoins que le temps est passé où ce genre daccords pouvait se négocier derrière des portes fermées.
Iuliu Winkler : « On assiste à la naissance dune nouvelle ère dans le domaine du commerce international. Dans le temps, il est vrai, ce genre de négociations était mené derrière les portes fermées, car il sagit déléments caractérisés par une grande complexité au niveau technique, et cela devenait impossible pour quelquun qui nétait pas un spécialiste de pouvoir suivre et comprendre les tenants et les aboutissants. Alors les experts se retiraient derrière les portes fermées et… ils négociaient. A lheure actuelle, cela nest plus soutenable. La société, les médias, les ONGs réclament de la transparence. Ils veulent comprendre. Ils veulent connaître le mandat avec lequel les experts sont investis. Pourquoi négocier le TPI, si on le négocie ? Pourquoi avoir réfuté laccord pour combattre la contrefaçon, ACTA, et pourquoi avoir approuvé laccord commercial conclu avec le Canada et quels en seront les bénéfices ? Le besoin dun plus de transparence est légitime. Dans cette nouvelle ère commerciale il faut pouvoir défendre non seulement la liberté du commerce, mais aussi son équité. »
Loffensive économique de la Chine ainsi que les nouvelles orientations des Etats-Unis en matière commerciale dans le mandat du président Donald Trump sont autant de défis pour lUnion européenne dans les années à venir. Et dans ces conditions, il faudrait suivre de près dans quelle mesure les négociations commerciales déjà entamées par lUnion européenne avec ses principaux partenaires vont pouvoir répondre de manière adéquate aux exigences en matières de compétence, déquité et de transparence, ainsi quaux attentes de ses citoyens. (Trad.: Ionut Jugureanu)