L’économie mise à mal par les jeux politiques
Ces dernières années, la Roumanie peut se targuer dune croissance record, confirmée dans les statistiques de lUE et des institutions financières internationales, qui placent la Roumanie au top des Etats européens.
Florin Orban, 15.05.2018, 14:27
Cette année le gouvernement de Bucarest a pris une série de mesures, dont notamment la majoration des salaires dans le secteur public et la réduction d’une série de taxes, dont l’impôt sur le revenu qui passe ainsi de 16 à 10%. En même temps, on remarque une hausse de l’inflation et une fragilisation de l’équilibre budgétaire. La Commission européenne a déjà tiré la sonnette d’alarme, avertissant le gouvernement de Bucarest quant au déficit public, qui s’approche dangereusement du seuil fatidique de 3% du PIB.
Le président roumain, Klaus Iohannis, avait à son tour averti sur la baisse significative des rentrées fiscales, en rejetant la responsabilité sur l’équipe gouvernementale dirigée par Mme Viorica Dăncilă. A deux occasions, pendant les deux dernières semaines, le président a sollicité la démission de la première ministre. Les tensions politiques entre le la présidence de l’Etat et le gouvernement ne font que s’aggraver. Mais quel est le risque d’impact économique de ces tensions dans les hautes sphères de la politique de Bucarest ? L’universitaire Mircea Coşea, économiste réputé, ancien membre des cabinets réformistes des années 1990 et un des architectes des réformes implémentées à l’époque, explique : « Le problème c’est qu’on a créé un environnement dommageable pour l’économie. Parce que, selon moi, cette situation politique, que certains appellent « instabilité politique», d’autres « dispute », d’autre « bagarre politique », chacun y va allégrement de sa définition, cette situation donc se mue en une période d’angoisse, d’absence de prédictibilité, d’incertitude. L’on perd confiance dans l’économie roumaine, dans cette économie de marché fonctionnelle, à cause d’un scénario bien connu et prouvé en Roumanie : la période de pré-campagne électorale. Et puis, pendant la campagne, c’est pire, l’économie chute à chaque fois. Et on compte trois rendez-vous électoraux au cours des deux prochaines années. Selon moi donc, la bataille électorale a déjà débuté, mais son niveau est bas, on ne parle pas d’une lutte de projets ou de principes, ce sont des disputes assez primitives. »
L’économiste Adrian Mitroi détaille les effets des tensions politiques sur le climat économique : « Nous nous sommes habitués à vivre dans une certaine prospérité économique, en faisant fi de ce qui se passait sur la scène politique. Mais si ce différend entre le président et la première ministre continue, on risque de voir les marchés agir à leur manière habituelle, plutôt sans scrupules. Plus précisément, des taux d’intérêt supérieurs et une pression sur le taux de change des devises. C’est leur manière de noter la performance politique. La meilleure manière de contrer cet état de choses reste, comme toujours et jusqu’à un certain point, la loi du marché, qui a ses propres mécanismes d’auto régulation. L’économie de marché, dans le cadre de laquelle nous opérons actuellement et que l’on considère comme le meilleur moteur de la prospérité au bénéfice de tous, détient ces mécanismes d’auto régulation ».
Toutefois, ce sont les chiffres qui devraient nous avertir, précise encore l’économiste Adrian Mitroi : « Lorsque l’économie se trouve en plein boom, lorsque l’on a une croissance de 7%, il va presque de soi que cela s’accompagne d’une inflation, bien que temporaire, de 5%. Les choses vont probablement se calmer et on va compter un taux d’inflation de 3%. Alors, si vous regardez ces chiffres, ils ont l’air raisonnable, cela dénote un certain équilibre d’une économie un peu surchauffée. Et lorsque tout fonctionne bien, il n’y a que deux types d’actions : la politique monétaire de la banque centrale qui, en augmentant les taux d’intérêt, met un terme à l’exubérance économique prématurée, ou alors, l’autre variante, via la politique fiscale, en stoppant les majorations salariales et en augmentant les impôts. La Roumanie est extrêmement compétitive d’un point de vue fiscal. Elle a une TVA assez basse, des hausses salariales. Il y a beaucoup de choses qui se sont accumulées. Nous avons un taux d’inflation plutôt bas, si on y réfléchit. Il y a un mix de facteurs sur fond de croissance économique. Le consommateur roumain est optimiste, confiant en l’avenir, il économise plus qu’il ne le faisait il y a dix ans. Et je pense que le potentiel d’investissement représente une donnée extrêmement importante. La productivité augmente, et cet apport significatif de productivité trouve son origine dans le secteur des nouvelles technologies. Mais l’agriculture aussi est en plein processus de rattrapage. On voit donc ces deux moteurs économiques exceptionnels qui nous font avancer et dont le progrès repose sur des gains de compétitivité. A mon avis, nous devrions donc oublier nos inquiétudes, car elles me semblent infondées », achevait son intervention l’économiste Adrian Mitroi. (Trad Ionut)