L’adhésion de la Roumanie à la zone euro
Le sujet de ladhésion à la zone euro sétait invité dans le débat public avant même que la Roumanie n'intègre lUnion européenne, en 2007.
Florin Orban, 12.12.2017, 14:12
Si au fil du temps différentes dates possibles ont été avancées, les spécialistes donnaient pour la plus probable l’année 2019. Tiraillée toutefois entre la crise économique interne et les fragilités qui se sont fait jour plus récemment dans la zone euro, la Roumanie n’a pas précisé de date alternative. Nous avons demandé à l’eurodéputé Theodor Stolojan, membre du groupe du Parti populaire européen, ancien premier roumain et financier réputé, si l’accession de la Roumanie à la zone euro en 2019 était encore un objectif réaliste. « Non, elle n’est plus d’actualité. Si c’était le cas, on aurait dû faire déjà partie du mécanisme de suivi du taux de change, qui dure environ deux ans, préalablement à l’adhésion proprement dite à la monnaie unique. Pendant toute cette période nous ne devrions pas assister à des interventions significatives de la part de la Banque nationale roumaine pour soutenir le taux de change de la monnaie nationale. Voyez-vous, il faut qu’il reflète les équilibres macroéconomiques, qu’il soit stable et prédictible. Donc, 2019, il faut l’oublier. »
Récemment, le cours de la monnaie roumaine, le leu, est arrivé à son minimum historique par rapport à l’euro. C’est l’événement qui a suscité de l’inquiétude à tous les niveaux, depuis les cercles sociaux et économiques, et jusqu’au monde politique. Qu’aurait dû faire alors, dans le contexte, la Banque nationale ? Theodor Stolojan: « La Banque nationale peut intervenir, soit pour soutenir le taux de’ change ou encore le taux directeur, mais pour autant qu’elle estime que cela met en péril la stabilité du système, et aussi longtemps qu’elle considère que les variations ont pour cause des facteurs conjoncturels. Mettons par exemple que nos exportations étaient soudainement périclitées sur un marché, pour cause de tensions internes, de guerre ou autre, qui peuvent cesser. Il n’y a pas lieu de produire une fracture dans l’économie uniquement pour une raison temporaire. Mais la chose que nulle banque nationale ne peut faire de manière responsable, c’est de soutenir un cours insoutenable à long terme, de gaspiller ses ressources pour soutenir la monnaie d’une économie en perte de compétitivité. Personnellement, je n’ai pas encore lu des arguments solides de la part de notre Banque nationale pour étayer cette thèse. Je n’ai entendu que des affirmations concernant un déficit croissant du compte courant. Cela met en effet sous pression le marché. Vous constatez aussi de grands retards dans le transfert des fonds européens en Roumanie et une baisse des transferts d’argent envoyés par la diaspora roumaine en Roumanie. Et alors, tous ces éléments corrélés font en sorte qu’il y a une pression sur le taux de change, une dévaluation consentie, pour rétablir les équilibres. Il nous faudrait peut-être pouvoir disposer d’un peu plus de chiffres et d’analyses quantitatives de la part de la Banque centrale pour étayer cette thèse. »
Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins que cela ne nous rapprocherait pas vraiment du moment de l’adhésion à la monnaie unique européenne.Pourtant, il y a des secteurs auxquels cette conjoncture profite, comme le souligne à bon escient le parlementaire européen Theodor Stolojan: « Le système bancaire roumain gagne beaucoup par le change. Les Roumains qui travaillent à l’étranger vont envoyer des euros, que les banques échangent en lei. Et le système bancaire roumain profite encore de la différence des taux d’intérêt qui perdurera. Car c’est une chose de faire, par exemple, un crédit en euros avec un certain taux en Roumanie, et le même crédit, avec un taux bien différent, en Belgique ou en Allemagne… C’est sur cela qu’ils jouent».
Quant aux banques, elles ont leur propre vision quant au processus d’adhésion de la Roumanie à la zone euro. Une vision que Theodor Stolojan est loin de partager: « Le système bancaire met en avant l’argument de la convergence économique réelle. Il insiste que la Roumanie ne peut raisonnablement envisager d’adhérer à la zone euro avant d’atteindre un certain niveau du PIB par habitant, à pouvoir d’achat équivalent, un niveau proche de la moyenne européenne. Je ne suis pas d’accord. Pour ma part, la Roumanie peut adhérer à la zone euro même maintenant, à condition de respecter les équilibres prescrits. L’appartenance à la zone euro n’est pas directement liée au niveau de développement. La Roumanie peut en faire partie, même si nos produits et nos services ont une valeur ajoutée moindre, pour autant et à condition d’être compétitifs, c’est-à-dire pour autant que l’on ne vive pas au-dessus de nos moyens et que l’on respecte des équilibres prédictibles et stables dans le fonctionnement de l’économie. Malheureusement, si on regarde ce qui se passe actuellement dans l’économie roumaine, on se rend compte qu’en dépit d’une croissance économique soutenue, on assiste à une dégradation des équilibres économiques. Le déficit du compte courant augmente, le déficit budgétaire est mis sous pression à son tour, et donc on constate que la Roumanie n’est pas assez prédictible en matière d’équilibres, pour nous permettre de rejoindre avec succès la zone euro. »
Parce qu’au-delà de la dimension économique ou financière du problème, l’un des aspects essentiels relève du politique. Toujours selon monsieur Theodor Stolojan, membre du Parlement européen: « Lorsque la Roumanie avait adhéré à l’Union européenne, elle a pris du coup l’engagement de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de respecter les critères de convergence pour adhérer à l’euro. Donc, si on veut être crédibles, il faut tenir nos engagements. Entre parenthèses soit dit, aussi longtemps que la Roumanie demeure hors la zone euro, elle est tenue à l’écart des décisions majeures qui sont prises dans l’Union européenne. Certes, on prend part aux débats, on affirme notre point de vue, mais la tendance générale dans l’Union européenne, c’est de se concentrer de plus en plus sur cette zone euro, sur les décisions qui sont prises à ce niveau ».
Que faudrait-il donc faire pour reprendre le chemin de l’adhésion à la monnaie unique ? Selon le même Theodor Stolojan, député européen et membre du PPE : « Le gouvernement devrait élaborer un plan d’actions indiquant clairement son engagement et fixant une date butoir. Celaa peut être 2025, ça peut être 2030, c’est nous qui le décidons ! Ca peut être même 2100… Mais l’important c’est de dresser un plan d’actions et de montrer de façon concrète ce que l’on veut faire, ce qu’il faudrait faire dans le domaine des politiques fiscales, monétaires, économiques, un plan d’actions qui puisse emmener la Roumanie en cinq ans tout au plus dans la zone euro. »