La hausse de l’inflation, entre causes et effets
Conséquences d'une inflation record en Roumanie parmi les Etats de l'UE. A qui la faute?
Ștefan Baciu, 27.03.2018, 18:53
A 3,8% au mois de février, la Roumanie a enregistré le taux d’inflation annuel le plus grand de l’Union européenne, selon les données publiées par l’Office européen de statistique, Eurostat. Le trio de tête était complété par la Lituanie et l’Estonie, chacune avec une inflation stabilisée à 3,2% en base annuelle. Antérieurement déjà, l’Institut national roumain de la statistique, l’INS, signalait la hausse de l’inflation sur fond d’augmentation des prix des denrées alimentaires de 3,74% et des autres produits, à l’exclusion des produits alimentaires, de 6,27%.
La hausse annoncée du taux d’inflation, et surtout les estimations de la Banque nationale roumaine sur cette hausse n’ont pas manqué de déclencher des réactions outrées du monde politique. Aussi, Marius Budăi, le président de la Commission budget-finances de la Chambre des députés, appréciait que, par ses déclarations, le gouverneur de la Banque centrale avait provoqué lui-même la hausse de l’inflation de par l’effet d’annonce, attirant de ce fait une majoration des prix à la consommation, vu l’intérêt que les agents économiques peuvent en tirer. Marius Budăi:
« De mon point de vue, en tant que président de la Commission budget-finances, lorsque le gouverneur roumain sort en public pour annoncer une inflation de 4,3%, il ne fait rien d’autre qu’attirer bel et bien une majoration des prix, parce que tout un chacun, et j’en ai parlé avec pas mal de gens à ce propos, tout le monde a pris cette déclaration pour un encouragement et s’était dit : « Je n’attends plus les mois d’avril, de mai ou de juin. J’augmente les prix tout de suite » ».
Les libéraux, depuis les bancs de l’opposition, soutiennent en revanche que c’est bien la politique économique du gouvernement, ainsi que sa politique fiscale, qui demeurent la principale cause de l’accroissement du taux d’inflation en base annuelle. Le vice leader des députés du PNL, Dan Vâlceanu, membre de la même Commission de budget-finances, ne mâche pas ses mots:
« Mais c’est évident que c’est entièrement la faute du gouvernement. Ce n’est pas la Banque nationale qui a mis en œuvre la politique fiscale qui est actuellement en vigueur.. Ce n’est pas à la Banque nationale de décider des majorations salariales ou les autres hausses qui ont été appliquées l’année précédente. La manière dont le marché fonctionne et la manière dont les prix s’établissent n’est pas du ressort de la BNR. La Banque centrale ne fait que collecter ces données concernant l’inflation et les rend publiques, c’est tout. »
Les agrumes et les fruits frais demeurent les denrées dont l’accroissement des prix a été le plus marqué au mois de février 2018 par rapport au mois précédent, alors que, dans la catégorie des produits non alimentaires qui aient le plus augmenté on retrouve le gaz, qui a déterminé une croissance des tarifs de l’énergie électrique et de l’énergie thermique, appréciait Adrian Vasilescu, consultant en stratégie de la Banque nationale, et qui tente d’expliquer la hausse de 4,3% du taux d’inflation au mois de janvier dernier:
« Les carburants, l’énergie électrique, l’énergie thermique, le gaz. Ces quatre cases, que l’Etat a fait bouger d’un coup, avec des accroissements bien supérieurs au taux d’inflation, nous ont amenés à ce taux global de l’inflation de 4,3%. L’Etat aurait dû accroître ces prix à temps, il ne fallait pas attendre l’automne, le mois de janvier 2018 pour ce faire, et alors on n’aurait pas eu ce taux de 4,3% d’inflation. La Banque nationale avait-elle la moindre marge de manœuvre, compte tenu des instruments dont elle dispose ? Pas du tout ! »
Selon le baromètre d’opinion réalisé par l’IRSOP et l’Ecole nationale des études administratives et politiques et récemment publié par l’agence roumaine de presse Agerpres, l’activité industrielle aurait été dans une phase de contraction sévère au mois de janvier passé, et ce pour le deuxième mois consécutif. Les chefs d’entreprises interrogés mettaient en cause l’augmentation des prix des matières premières au niveau global, et notamment du pétrole et des minerais ferreux, conséquence de la relance économique, ce qui se traduit en fin de compte par une augmentation des coûts de production. D’autre part, les commerçants ont augmenté à leur tour les prix des produits, ce qui ne fait qu’accroître l’inflation. Aussi, les chefs d’entreprises interrogés s’attendaient à un accroissement de leurs carnets de commandes et du volume de la production, certains misant même sur une hausse des commandes gouvernementales dans le domaine de l’infrastructure.
Lors d’un séminaire organisé récemment, le président du Conseil de la concurrence, Bogdan Chiriţoiu, observait que l’augmentation de 4% du prix des produits alimentaires enregistré au niveau de l’année 2016 n’impactait pas énormément. Selon les données européennes disponibles, les prix des denrées alimentaires ne se situent en Roumanie qu’à un niveau qui ne représente pas plus de 60% du niveau des prix alimentaires qui a cours en l’UE. Aussi, selon Bogdan Chiriţoiu (je cite) « Avant notre adhésion à l’Union européenne, on trouvait une inflation à deux chiffres en Roumanie. Voir les prix des aliments augmenter de 10% tous les ans était monnaie courante. Ce n’est que depuis quelques années que l’on est entré dans le club des pays disons responsables, et que l’on a réussi à avoir un taux très bas de l’inflation. Les prix ont augmenté, c’est vrai, mais des années durant, les prix des aliments avaient stagné ou avaient carrément baissé » (fin de citation).
Et même si la Banque nationale de Roumanie a révisé à la hausse, à 3,5%, le taux d’inflation pour la fin de cette année et que, pour 2019, elle estime un taux d’inflation de 3,1%, les responsables des Finances, plus optimistes, ont transmis aux Conseils locaux un taux d’indexation des taxes locales, ce dernier calqué sur le taux estimé de l’inflation, de seulement 1,34% pour l’année 2019. (Trad.: Ionut Jugureanu)