Evolutions contradictoires de l’économie roumaine
D'une part, on remarque une croissance économique soutenue, alors que, d'autre part, le leu, la monnaie nationale, touche des minima historiques par rapport à la monnaie unique européenne.
Florin Orban, 28.11.2017, 13:21
Les évolutions récentes de l’économie roumaine brossent un tableau assez contradictoire. D’une part, on remarque une croissance économique soutenue, alors que, d’autre part, le leu, la monnaie nationale, touche des minima historiques par rapport à la monnaie unique européenne. Aussi, la Banque nationale annonce que l’inflation dépassera jusqu’à la fin de l’année les valeurs initialement annoncées.
Quelles seraient alors les perspectives de l’économie roumaine ? Essayons de trouver quelques éléments de réponse chez nos économistes.
Constantin Rudniţchi, journaliste et analyste économique, nous a récemment offert quelques explications sur cette croissance économique effrénée, lors d’un débat organisé par la chaîne publique de la Radio roumaine : « Si on regarde du côté de la création du PIB, c’est-à-dire du côté des secteurs qui y participent le plus, on voit tout d’abord l’industrie – et on parle de l’industrie en général, et ce bien qu’en Roumanie on a de plus en plus le sentiment aigu d’une désindustrialisation galopante… Mais la Roumanie a encore son industrie, et elle se porte bien. L’industrie a un apport d’à peu près un quart de la valeur ajoutée de tout ce qui se produit en Roumanie. Donc, voilà, il y a l’industrie. Deuxièmement, on constate une expansion dans la zone des services, et notamment dans les technologies de l’information. J’ajouterais encore ici de très bons résultats obtenus par les transporteurs, le fret, surtout ceux qui travaillent à l’étranger, dans toute l’Europe, ce qui aide la balance commerciale. Car eux aussi, ce sont de véritables performers et ils contribuent de manière substantielle à la croissance économique, étant également les bénéficiaires de cette dernière. Si on regarde de plus près qui sont ces exportateurs, nous découvrons des domaines assez éclectiques. Il y a certes l’industrie automobile, mais pas qu’elle. On a donc ces industries, on a les compagnies étrangères, les multinationales qui, souvent, produisent en Roumanie et exportent leur production en partie. Et puis, il y a autre chose, ces deux, trois dernières années, nous avons basé notre croissance économique sur l’augmentation des salaires et sur la baisse de certains impôts. Et cela aussi a bien évidemment favorisé la consommation. »
Mais l’accroissement de la consommation a également mené à une hausse des importations, l’économie roumaine devenant de plus en plus dépendante de la conjoncture européenne. Dans la zone euro, pendant la dernière année, le taux d’inflation a triplé, atteignant 1,5% le mois dernier par rapport à 0,5% au mois d’octobre 2016. D’un autre côté, on remarque une montée du prix du pétrole et une progression des prix des produits agricoles importés suite à la mauvaise météo de l’année en l’Europe de l’Ouest.
Constantin Rudniţchi: « L’estimation de l’inflation réalisée récemment par la Banque nationale est de 2,7% cette année. Je ferais là un bref commentaire. On est dans une situation très intéressante. En effet, dans les années 90, l’inflation était à 3 chiffres, on avait une inflation de 110, 120%… Mais la manière dont les gens prenaient la chose était différente, ils y étaient habitués. Là, je ne sais pas, on passe d’un taux d’inflation d’1% ou de 0,5% voire même de -0,5% à un taux de 1,7%, mais on n’est plus habitués à de tels mouvements de yo-yo. En termes statistiques, cela n’a pas l’air de grand-chose, mais dans la réalité, la perception est différente. Je pense que le problème principal est lié à la consommation de produits d’importation, ce qui met à rude épreuve la balance commerciale, dont le déficit est déjà assez important. Certes, pour ce qui est du déficit, la source des problèmes est à retrouver dans les recettes et les dépenses de l’Etat. Je m’attends à ce que l’on puisse se placer sous la barre des 3% du PIB. La croissance économique n’a malheureusement pas accru les recettes de l’Etat. Mais le plus gros problème lié au déficit budgétaire, c’est, à mon sens, le fait que la Roumanie a échoué à attirer des fonds européens cette année, et ce manque à gagner, ces fonds, auraient pu équilibrer un peu la balance commerciale et le déficit. »
En même temps, la Roumanie enregistre une dépréciation de la monnaie nationale, qui a atteint son plus bas niveau historique devant la monnaie européenne.
Andrei Rădulescu, l’économiste en chef de la Banque Transilvania, l’un des plus importants opérateurs du marché financier, explique : « On va tout d’abord remarquer que lors de la dernière réunion de politique monétaire de cette année, qui a eu lieu très récemment, la Banque centrale a tiré la sonnette d’alarme quant au fait qu’il sera impossible de contrôler efficacement et simultanément trois variables importantes : les réserves, le taux directeur et le taux de change. Si on regarde de l’autre côté, vers l’économie réelle, ces derniers trimestres, on assiste à une détérioration des équilibres dans l’économie nationale, qu’il s’agisse de l’équilibre interne, de la situation des finances publiques ou encore de la position externe de l’économie roumaine ou encore du déficit de compte courant. Alors, dans ce contexte, la dépréciation de la monnaie nationale contribue à contrecarrer au moins l’un des facteurs, c’est-à-dire la position compétitive de l’économie roumaine, les importations devenant, du coup, plus chères, ce qui aura, par conséquent, un effet positif sur l’évolution future du déficit. »
Les prochains mois on verra de manière plus exacte dans quelle mesure ces évolutions affecteront la stabilité de l’économie roumaine. Les prévisions de la Commission européenne sont plutôt inquiétantes à cet égard. Ces incertitudes pèsent également sur les chances de voir la Roumanie rejoindre le club des Etats membres de la zone euro très prochainement. (Trad. Ionut Jugureanu)