Débats sur le rapport de suivi de la Commission européenne sur la Roumanie
Ce rapport sur la Roumanie passe en revue les progrès enregistrés par la Roumanie notamment en ce qui concerne la croissance économique, en attirant lattention sur les risques engendrés par les réductions de taxes et par la majoration des salaires.
Florin Orban, 12.04.2016, 14:12
La Commission européenne recommande aux responsables de Bucarest de se concentrer sur trois directions prioritaires, à savoir : la relance des investissements, la poursuite des réformes structurelles et l’adoption de politiques budgétaires responsables. Le document souligne également les progrès limités dans la mise en œuvre des recommandations formulées par la Commission dans son rapport précédent.Récemment, ce nouveau rapport de suivi a fait l’objet d’un débat organisé à Bucarest par la Représentation de la Commission européenne en Roumanie et le ministère roumain des Finances. Selon Angela Filote, chef de la Représentation de la Commission européenne en Roumanie, en étudiant les données présentées par le document, on constate que la Roumanie compte parmi les premiers pays de l’UE du point de vue de sa croissance économique, mais aussi du taux de pauvreté.
On a donc à faire à un paradoxe, estime Angela Filote : «Cela témoigne du fait que le modèle actuel de croissance économique de la Roumanie ne sert pas l’intérêt du citoyen. Et pour cause : bien que le pays avance, le citoyen reste tout aussi pauvre. Or, nous n’encourageons pas un tel modèle de croissance car nous ne trouvons pas qu’il soit durable ; il n’encourage pas les gens à aspirer à une vie meilleure ».
De l’avis d’Angela Filote, une des causes de ce phénomène, c’est qu’en Roumanie la compétitivité se fonde sur des coûts bas, y compris sur des bas salaires, et non pas sur des produits de haute qualité. Par conséquent, il est nécessaire de relancer les investissements, estime la directrice de la Représentation de la Commission européenne.
Pour sa part, la ministre roumaine des Finances, Anca Dragu, affirme que les investissements ont déjà commencé à se multiplier dans le secteur privé. Toutefois, les investissements publics restent insuffisants et inefficaces. Anca Dragu : « On peut dire qu’en Roumanie la croissance économique est durable et fondée sur les investissements. Le rythme de croissance des investissements a été de 7,5% en 2015, alors que la consommation finale a connu un progrès de 5,3%. Les investissements restent donc le moteur de la croissance économique roumaine. La structure des exportations s’est améliorée grâce notamment aux exportations de moyenne et de haute technologie. »
Selon l’économiste en chef de la Banque nationale de Roumanie, Valentin Lazea, la croissance économique se reflète aussi dans les revenus et dans la fortune de la population: «Pensons aux appartements dans lesquels nous vivons : en 2000, le prix d’un appartement était de 10.000 dollars. Le même logement vaut aujourd’hui 50.000 euros. La fortune des Roumains a donc augmenté, qu’ils le croient ou pas. Evidemment, il y a des personnes surendettées, dont la majeure partie des revenus sert à couvrir la dette, mais ça c’est déjà un autre problème. Statistiquement parlant, le niveau de vie des foyers d’aujourd’hui n’est pas du tout comparable à celui d’il y a 10 ou 15 ans. »
Les gens perçoivent en fait l’inégalité croissante entre les revenus des personnes les plus riches et ceux des gens les plus pauvres, explique Valentin Lazea. De ce point de vue, la Roumanie se classe première dans l’UE, avec un rapport de 7,2 à 1 entre les revenus des habitants les plus riches et les plus pauvres, largement au-dessus de la moyenne européenne. Dans une interview pour Radio Roumanie, l’analyste économique Constantin Rudniţchi estimait que ce pays avait une croissance économique justifiée et attendue. Toutefois, une telle croissance n’est pas tout à fait saine si elle persiste.
En même temps, le secteur des investissements a été défavorisé, estime encore Constantin Rudniţchi: «L’économie roumaine a réussi à progresser, propulsée principalement par la consommation. Certes, les investissements n’ont pas eu d’effets importants au cours de cette période. Ce n’est pas la meilleure manière d’avancer ; il est important que ce type de croissance ne s’étale pas sur une période trop longue et ne soit pas trop ample. Il faut faire attention à la manière dont les compagnies sont traitées. Un seul exemple. Les salariés de Dacia ont demandé fermement la construction de la célèbre autoroute entre Sibiu et Pitesti (à travers les Carpates), une autoroute qui n’est plus construite. Si nous avons des investisseurs qui comptent pour l’économie, il vaudrait mieux ne pas leur appliquer un traitement de faveur, mais faire en sorte qu’ils puissent fonctionner dans une économie européenne extrêmement compétitive. »
La Roumanie restera en 2016 aussi un des Etats membres ayant une très bonne croissance économique. «Elle ne sera peut-être plus parmi les 4 premiers pays, mais un des 6 premiers de l’UE en termes de croissance économique», a conclu Constantin Rudniţchi. (Trad. Valentina Beleavski)