Débats sur le passage à l’euro en Roumanie
La Roumanie est-elle prête pour adopter la monnaie unique? Les avis sont partagés.
Florin Orban, 22.03.2016, 12:53
Bien que l’euro n’ait pas encore été adopté en Roumanie, la monnaie unique
européenne y est une réalité de la vie quotidienne: 70% des crédits accordés
par le système bancaire sont en euros. Et c’est toujours en euros que sont
calculés les prix – depuis la téléphonie mobile, jusqu’aux autos et aux
logements. Aussi, les ventes et achats de voitures, de terrains ou de logements
sont-ils effectués en se rapportant à la monnaie unique européenne.
Par le Programme de convergence transmis à Bruxelles,
l’ancien gouvernement Victor Ponta avait maintenu l’engagement du pays à
adopter l’euro au 1-er janvier 2019. L’économie roumaine répond aux 5 critères de
convergence nominale adoptés à Maastricht, pourtant, c’est la convergence
réelle qui fait problème – soit le PIB par habitant – qui représente
actuellement 55% de la moyenne des PIB enregistrés par les 28 Etats membres de
l’UE. « En 2018, la convergence réelle de la Roumanie atteindra les 65% de
la moyenne européenne. A l’horizon 2020, elle doit atteindre 71%. » – estimait l’ancien gouvernement
de Bucarest.
Pourtant, selon les représentants de la Banque
centrale, la Roumanie n’est pas préparée pour passer à l’euro en 2019, certaines voix évoquant l’année 2022 comme une
date raisonnable pour l’adoption de la monnaie unique européenne. Les décideurs
politiques sont considérés comme les principaux responsables de ce retard, car
ils n’ont pas réussi, à ce jour, à dresser une feuille de route, avec des
délais précis d’application de certaines réformes.
Le gouverneur de
la Banque centrale de Bucarest, Mugur Isărescu: : « L’année 2019
n’est plus une cible viable, car en juin prochain, au plus tard, nous aurions
dû rejoindre le système des taux de change. C’est l’antichambre de la zone euro
et les préparatifs pour y entrer sont complexes. Celui qui connaît la technique
d’entrée dans le mécanisme des taux de change européen peut se rendre compte
que, techniquement, ce n’est plus possible. Même si on le souhaitait politiquement,
je dirais que ce serait quelque chose d’improbable, sinon carrément
impossible. »
Mugur Isărescu précisait qu’il
était nécessaire d’élaborer une feuille de route, qui fasse l’objet d’un débat
politique et qui soit acceptée par tous les partis et la société civile. C’est
d’ailleurs la conclusion d’un rapport lancé récemment par le Centre roumain
pour les politiques européennes, selon lequel le processus d’adhésion à la zone
euro devrait reposer sur une stratégie claire et concrète.
Ruxandra Popescu, chercheuse à ce
Centre et co-auteure de l’étude : « Avant tout, il doit y avoir
une planification, des recherches et des études d’impact, ainsi que des
prévisions qui reflètent, dans une certaine mesure, les opportunités et les
vulnérabilités de la Roumanie. Le prochain pas serait la création d’un
organisme de coordination du passage à l’euro. Pourquoi l’existence d’un tel
organisme est-elle importante ? Parce qu’il serait directement en charge
du plan d’action, qui peut, certes, être élaboré par les responsables les plus
compétents au niveau national. Il est très important que cet organisme exprime la
position unanime de la Roumanie et jette les bases de ce plan d’action. Nous
proposons que la date-cible pour l’adoption de l’euro soit fixée suite aux
consultations et repose sur les recherches et les études effectuée.
L’élaboration d’une stratégie de communication est également nécessaire. »
Un nouveau délai officiel pour
intégrer la zone euro doit être crédible et c’est pourquoi il doit
s’accompagner d’un calendrier de mesures concrètes à adopter – estime le
président du Conseil fiscal, Ionuţ Dumitru: « Quelle que soit la date
fixée en ce moment – 2021, 2025, 2030 -, en l’absence d’un programme très
sérieux, avec des délais très clairs, toute date évoquée en ce moment ne peut
être considérée comme réaliste. Or, un objectif
qui n’est pas réaliste peut engendrer des comportements qui seront par la suite
nuisibles à l’économie. La première date fixée pour le passage à l’euro a été
2015 : un terme très ambitieux pour la Roumanie, en raison duquel une
partie de la population a contracté des crédits en euros, pensant qu’au
bout d’un certain temps, nous utiliserons l’euro comme monnaie et il n’y aurait
plus de risques liés aux taux de change. »
De son côté, le
conseiller présidentiel et ancien commissaire européen Leonard Orban, avertit que
les choses se compliquent avec le temps qui passe, car l’Union monétaire
devient plus exigeante et durcit les critères d’adhésion : « Mon
message aux décideurs politiques – et non seulement – c’est qu’il est possible
que nous n’ayons plus le temps. Il est possible qu’à partir de 2018 des
décisions soient prises qui rendent l’adhésion à la zone euro de plus en plus
difficile. Or, il est essentiel pour la Roumanie qu’elle fasse partie du noyau
dur de l’UE. »
Si
elle reste en dehors de la zone euro, la Roumanie risque de devenir un Etat
marginal par rapport aux décisions à prendre au niveau de l’Union – estime le
conseiller présidentiel Leonard Orban. (Aut.: Cristian Mihu; Trad.: Dominique)