Débats en marge de l’adoption de l’euro en Roumanie
Même si elle n'a pas encore été adoptée en Roumanie, la monnaie unique européenne fait déjà partie du quotidien des Roumains.
Florin Orban, 26.05.2015, 14:42
70% des crédits bancaires sont accordés en euros, tandis que certains tarifs, dont ceux de téléphonie mobile ou les transactions automobiles, mobilières ou immobilières prennent pour point de référence l’euro. Dans le Programme de convergence, révisé chaque année et transmis à Bruxelles, le gouvernement roumain réitère son engagement à passer à l’euro à partir du 1er janvier 2019. L’économie de la Roumanie remplit les cinq critères de convergence nominale établis à Maastricht. Toutefois, un des problèmes importants qui demeurent est celui de la convergence réelle. En clair, son PIB par habitant ne représente actuellement que 55% de la moyenne européenne. « La convergence réelle de la Roumanie s’élèvera en 2018 à environ 65% et pourrait atteindre, à l’horizon 2020, le seuil de 71% de la moyenne européenne du PIB, niveau calculé par rapport au pouvoir d’achat en Roumanie », anticipe l’Exécutif de Bucarest.
« Le 1er janvier 2019 comme date butoir pour l’adoption de l’euro est un objectif ambitieux, et il devient même très ambitieux. Voilà pourquoi nous devons bien penser à maintenir cette cible », a mis en garde le gouverneur de la Banque centrale de Roumanie, Mugur Isărescu. « Nous n’avons pas encore de feuille de route et puis la société tout entière doit assumer cet objectif », a-t-il précisé: « Il faut bien réfléchir au maintien de cette date butoir et à ce que nous avons à faire, à savoir dépenser raisonnablement l’argent public, donner la priorité aux investissements, répartir les dépenses publiques par plans pluriannuels et ainsi de suite. Vu l’excellente situation macroéconomique, il faudrait procéder à des réformes structurelles, donc mieux utiliser l’argent. L’accent doit être mis sur la compétitivité, l’efficacité, sur l’équilibre entre les budgets des entreprises. »
A son tour, l’économiste en chef de la Banque centrale de Roumanie, Valentin Lazea, a déclaré qu’il était très peu probable que le pays puisse joindre la zone euro en 2019, compte tenu du manque de consensus politique et social quand il s’agit de soutenir cet objectif.
Valentin Lazea: « Si demain, par je ne sais quel miracle, la classe politique se mettait d’accord, signait un pacte et élaborait un programme trimestriel ou semestriel, cela pourrait s’avérer réaliste, dans les conditions où l’échéance prévue pour l’entrée dans le mécanisme du taux de change européen est le 1er janvier 2016. C’est donc le délai le plus restreint possible. Or, même avec ce scénario, il nous faut atteindre un taux de croissance annuel supérieur à 3,5%, alors que la moyenne européenne annuelle est de 1,5%. Je n’ai pas encore calculé le chiffre exact, mais je pense que l’économie roumaine devrait croître de 5%, ce qui n’est pas faisable. Par contre, en gardant un rythme de croissance supérieur de 2% à celui de l’UE, ce qui est en notre pouvoir, nous pourrions intégrer la zone euro dans les 7 années à venir. »
Le président du Conseil fiscal, Ionuţ Dumitru, partage lui aussi l’opinion selon laquelle l’horizon temporel 2019 est très ambitieux pour la Roumanie : « Je crois que l’engagement que nous avons pris relatif au passage à l’euro en 2019 a été de nature purement politique et déclarative. Il n’a jamais été assumé réellement, ce qui aurait supposé l’existence d’une feuille de route et un calendrier très précis à respecter avant ce moment. De mon point de vue, il est absolument évident que le nouveau paquet fiscal, qui réduit sensiblement les taxes et nous pousse vers une zone où le déficit public gonfle à nouveau, ce paquet fiscal donc nous éloigne fort de la date cible 2019. L’impression est qu’il n’y a pas d’harmonisation entre l’objectif visant l’adoption de la monnaie unique en 2019 et ce paquet de stimulation fiscale. »
Par contre, le président honoraire de l’Association roumaine des banques, Radu Graţian Gheţea, affirme que le système bancaire est prêt à passer à l’euro: « D’un point de vue technique, le système bancaire roumain est déjà prêt, à la différence de ceux de bien des pays qui ont, entre temps, adhéré à la zone euro. L’Association roumaine des banques a démarré il y a cinq ans déjà un projet permettant de mettre en œuvre toutes les normes et les restrictions requises. Nous avons appliqué les normes actuelles relatives aux paiements en euros même aux paiements effectués en monnaie nationale. »
Selon Radu Graţian Gheţea, la Roumanie bénéficie d’opportunités qu’elle pourrait mieux mettre à profit en tant que membre de la zone euro. Parmi elles, l’exploitation efficiente de ses ressources tarissables ou renouvelables, l’absorption des fonds européens ou la modernisation de l’infrastructure. Par ailleurs, après le passage à l’euro, de nouveaux défis se feront jour liés notamment à la gestion de certains indicateurs macroéconomiques et à la fiscalité, a souligné le président honoraire de l’Association roumaine des banques, Radu Graţian Gheţea. (Trad. : Mariana Tudose)