Référendum pour redéfinir la famille
Le plénum du Sénat roumain, en tant qu’organisme décisionnel, a adopté mardi, à une large majorité, le projet de loi sur la révision de la Constitution afin de redéfinir la famille comme fondée sur le mariage entre un homme et une femme et non entre les époux, comme stipulé à présent. En mai 2017, le projet était approuvé par la Chambre des Députés. Cette initiative citoyenne a été lancée par une large coalition d’organisations et associations chrétiennes, soutenue de manière enthousiaste par l’Eglise orthodoxe, majoritaire en Roumanie. La coalition ne cache pas le fait qu’elle souhaite la modification de l’article constitutionnel définissant la famille pour bloquer toute possibilité de légalisation du mariage entre personnes de même sexe.
Ştefan Stoica, 12.09.2018, 00:58
Les promoteurs ont recueilli 3 millions de signatures en faveur de la proposition. Après avoir parcouru le trajet législatif habituel, l’initiative doit être validée par référendum en octobre prochain. Les débats du Parlement ont reconfirmé le statut de la Roumanie comme espace des paradoxes. Sur l’échiquier politique, plusieurs partis importants se sont prononcés en faveur de l’initiative, dont le Parti Social Démocrate (PSD), appartenant à une famille idéologique sensible plutôt aux problèmes des minorités ethniques et encline à la tolérance et à l’inclusion, mais aussi son allié au pouvoir, l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE), d’orientation libérale, attaché, théoriquement, aux droits et libertés civils, ainsi que le Parti National Libéral (PNL) principal parti d’opposition, dans les rangs duquel plusieurs sénateurs se sont abstenus. L’Union Démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR) a également voté pour. L’Union Sauvez la Roumanie (USR) est la seule formation politique à s’être prononcée contre, avertissant que ce référendum était inutile au pays, qu’il n’améliorerait nullement la vie des Roumains et risquait de diviser la société.
Une manifestation de petite ampleur contre la redéfinition de la famille s’est déjà déroulée au centre de la capitale. Les représentants de l’association ACCEPT, qui milite pour les droits des minorités sexuelles, ont réagi, accusant le Sénat – je cite – « d’élever l’homophobie au rang de valeur d’Etat et de sacrifier la protection constitutionnelle de nombreuses familles de Roumanie » – fin de citation. Selon l’association ACCEPT, ce vote représente une violation du droit à la vie privée et familiale, doit inaliénable de toutes les personnes, quel que soit leur genre et leur orientation sexuelle, conformément à la Convention européenne des droits de l’homme. C’est un avertissement sérieux.
Récemment, la projection, dans une salle de cinéma de Bucarest, d’un film primé sur la lutte pour les droits des minorités sexuelles en France dans les années ’80 a été interrompue par un groupe fondamentaliste orthodoxe, qui a manifesté de manière agressive son homophobie. Le débat qui précèdera le référendum montrera si la société roumaine est, oui ou non, capable de changement et de modernisation, sans l’abandon des traditions invoquées trop souvent dans un but de manipulation et de propagande. C’est aussi un examen pour les hommes politiques roumains, qui sont en train de le rater. Le vote exprimé par les sénateurs a prouvé clairement que les confusions idéologiques, les tentatives de confisquer les sujets sensibles pour les utiliser dans un but populiste, électoral, la contradiction entre les choix ponctuels et les valeurs et principes déclarés sont devenus monnaie courante. (trad. Dominique)