Réactions à la révocation de la cheffe de la Direction nationale anticorruption
La Direction nationale anticorruption est devenue ces dernières années une institution phare du système judiciaire en Roumanie. Même si elle a réussi à garder un rythme soutenu de son activité, pour ce qui est de l’ouverture et de l’instruction des dossiers, dans pas mal de situations elle s’est vu mettre des bâtons dans les roues, au travers des tentatives de limiter le cadre législatif et ses compétences. Cette fois-ci, les choses sont allées encore plus loin, la procureure en cheffe de cette institution, Laura Codruţa Kovesi, ayant été révoquée de ses fonctions.
Florentin Căpitănescu, 10.07.2018, 14:04
La Direction nationale anticorruption est devenue ces dernières années une institution phare du système judiciaire en Roumanie. Même si elle a réussi à garder un rythme soutenu de son activité, pour ce qui est de l’ouverture et de l’instruction des dossiers, dans pas mal de situations elle s’est vu mettre des bâtons dans les roues, au travers des tentatives de limiter le cadre législatif et ses compétences. Cette fois-ci, les choses sont allées encore plus loin, la procureure en cheffe de cette institution, Laura Codruţa Kovesi, ayant été révoquée de ses fonctions.
Le président Klaus Iohannis a pratiquement été contraint à la révoquer, suite à une décision controversée de la Cour Constitutionnelle. Cette dernière a constaté l’existence d’un conflit de nature juridique entre le gouvernement et le chef de l’Etat, lequel avait initialement rejeté la demande du ministre de la Justice Tudorel Toader de démettre la cheffe du Parquet national anticorruption. Après la signature du décret de révocation, Laura Codruta Kovesi a parlé de l’activité de l’institution, lors d’une déclaration à la presse: La DNA a montré que la loi était la même pour tous, que personne n’était trop fort pour s’y soustraire. Les enquêtes ont visé des personnes qui paraissaient intouchables. Nous avons contribué, par nos enquêtes, à sensibiliser la société civile à la gravité du phénomène de la corruption.
Laura Codruta Kovesi a également présenté le rapport d’activité de la DNA au cours des cinq dernières années, soit la période de son mandat à la tête de cette institution. En voici le bilan: 37 hauts dignitaires, dont 9 ministres et ex ministres, 21 députés, 6 sénateurs et un membre du Parlement européen ont été définitivement condamnés dans les dossiers instruits par la DNA. Le document précise également que, dans cette même période, ont été prises des mesures conservatoires visant la récupération de plus de 2 milliards d’euros et que le taux des acquittements s’est maintenu à 10%, un pourcentage inférieur à la moyenne européenne.
Les principales formations politiques d’opposition, à savoir le Parti national libéral et l’Union Sauvez la Roumanie, estiment que la décision du chef de l’Etat est correcte, car elle respecte la Constitution. Toutefois, elles attirent l’attention sur le fait que cette révocation est un abus de la part de la coalition au pouvoir, formée par le Parti social-démocrate et l’Alliance des démocrates et des libéraux.
A son tour, la Commission européenne a fait savoir qu’elle pourrait se voir obliger à réviser sa conclusion sur la lutte anticorruption en Roumanie, dans le contexte où la capacité de la DNA à maintenir ses bons résultats risque d’être mise en question. Par ailleurs, l’ambassade des Etats-Unis à Bucarest a appelé à appuyer les institutions chargées de la lutte contre la corruption, d’autant plus qu’à ce chapitre la Roumanie est un modèle à suivre dans la région.
Enfin, l’ambassade du Canada à Bucarest a affirmé que la destitution de la procureure en chef de la DNA était de nature à décourager la lutte contre la corruption. Ce sujet n’est pas passé inaperçu par les agences de presse internationales. L’AFP, par exemple, note : « Le gouvernement de gauche roumain a obtenu, après des mois de bras de fer, le limogeage de la cheffe du parquet anticorruption, Laura Codruta Kovesi, franchissant une nouvelle étape dans son offensive décriée contre le pouvoir judiciaire ». (Trad. Mariana Tudose)