L’immunité parlementaire fait barrage à la lutte anti-corruption
Les cas de deux députés roumains, enquêtés ensemble dans une seule et même affaire de fraudes supposées aux fonds européens, ont été approchés différemment par les élus de la chambre basse du Parlement de Bucarest. Ils étaient appelés à donner leur feu vert à une requête du Parquet anti-corruption visant linterpellation et, respectivement, larrestation préventive des deux hommes.
Ştefan Stoica, 18.02.2016, 15:01
Les cas de deux députés roumains, enquêtés ensemble dans une seule et même affaire de fraudes supposées aux fonds européens, ont été approchés différemment par les élus de la chambre basse du Parlement de Bucarest. Ils étaient appelés à donner leur feu vert à une requête du Parquet anti-corruption visant linterpellation et, respectivement, larrestation préventive des deux hommes.
Lun dentre eux est Mădălin Voicu, député du Parti social-démocrate, un personnage très médiatique, plutôt haut en couleurs. Accusé par les procureurs anti-corruption de trafic dinfluence, faux en écriture et blanchiment dargent, il a échappé à larrestation par les votes venus de lensemble de léchiquier politique ayant rejeté la requête des enquêteurs. Tout en précisant quil sétait prononcé en faveur de son emprisonnement, le leader social-démocrate Liviu Dragnea a expliqué la situation par la sympathie que les députés de tous bords auraient pour Mădălin Voicu. Or « la sympathie ne saurait être punie », a affirmé Liviu Dragnea. Il répondait ainsi à une question des journalistes qui voulaient savoir si la formation sociale-démocrate allait sanctionner ses élus ayant protégé leur collègue, alors quelle est perçue par les Roumains comme un parti offrant refuge aux corrompus.
Il se peut que Nicolae Păun, second personnage de cet histoire, ne soit pas vraiment tout aussi populaire, puisque, dans son cas, ses camarades parlementaires ont avalisé linterpellation. Nicolae Păun est le président de lAssociation du Parti des Roms Pro Europa et il est accusé davoir utilisé, de mauvaise foi, des documents faux, inexactes ou partiels, afin dobtenir des fonds européens de manière injustifiée. A tout cela sajoutent des accusations de détournement de fonds européens, modification dobjectif de ces derniers, blanchiment dargent, opérations financières incompatibles avec la fonction ou les attributions dun responsable et transactions financières avec prise dintérêts illégaux et achat dinfluence.
Somme toute, rien ne semble convaincre les élus parlementaires roumains que limmunité que la loi leur confère nexcède pas les déclarations parlementaires. Le recours abusif à cette immunité de même que les chicanes envers les institutions judiciaires ont maintes fois été désavoués par tous les rapports du Mécanisme de coopération et de vérification de la Commission européenne qui scrute les progrès de la justice roumaine et de la lutte anti-corruption. En perpétuant ce genre de pratiques face à ce quils estiment être, de manière injustifiée, une agression de la justice portée contre eux, les parlementaires roumains minent les efforts et tous les plaidoyers de Bucarest visant à éliminer ce Mécanisme.
Réagissant, elle aussi, après le vote de mercredi, lambassade des Etats-Unis à Bucarest a répété que lendiguement de la corruption était essentiel pour le développement et la sécurité de la Roumanie, tandis que les élus ne devaient pas se servir abusivement de limmunité parlementaire pour échapper aux responsabilités. (trad.: Andrei Popov