L’été des mécontentements
Ces derniers jours, les comptables et les chauffeurs ont protesté en Roumanie. Les comptables dénoncent le manque de transparence et la bureaucratie excessive. Les chauffeurs protestent contre les conditions abusives dans lesquelles un permis de conduire peut être suspendu. Explications.
Mihai Pelin, 09.07.2024, 11:18
Les comptables dénoncent le manque de transparence et la bureaucratie excessive
Les comptables, les économistes et les entrepreneurs ont organisé lundi une manifestation de protestation au centre-ville de Bucarest pour dénoncer ce qu’ils ont appelé « la terreur fiscale » et les récentes mesures adoptées par les autorités sans consultation publique, mais avec un impact majeur sur l’ensemble de la société. Sous le slogan « Fin au chaos dans l’administration fiscale », cette manif a réuni des gens venus des quatre coins de la Roumanie, qui ont parcouru les rues de la capitale en criant leur mécontentements, malgré la canicule. Rassemblés Place de la Victoire, devant le siège du Gouvernement, les comptables ont envoyé une délégation pour discuter avec les responsables.
Parmi leurs principaux mécontentements ils ont nommé les plus récentes décisions gouvernementales visant la numérisation de l’administration fiscale. Ils dénoncent le manque de transparence de ce processus et affirment que la mise en place de mécanismes fiscaux numériques obligatoires pour le suivi des factures, de la TVA et des transports de marchandises (e-factura, e-TVA, e-transport) – tout cela ne fait que croître la bureaucratie dans le contexte où il faut remplir davantage de déclarations, alors que certains formulaires comportent des données redondantes. Plus encore, les comptables déplorent les instruments techniques mis à leur disposition par le ministère des Finances, qui ne fonctionnent pas dans les paramètres requis.
Ceci dit, les protestataires demandent de la prédictibilité législative, par la création d’un calendrier clair des modifications fiscales envisagées, annoncées au moins 6 mois avant leur entrée en vigueur.
De l’autre côté de la barricade, les autorités de Bucarest affirment que toutes ces nouvelles mesures sont censées mettre fin à l’évasion fiscale. Le ministre des Finances, Marcel Boloș, a pourtant promis d’avoir un meilleur dialogue avec les parties directement affectées par ces mesures.
Les chauffeurs roumains sont aussi mécontents.
Ils demandent l’annulation du décret gouvernemental qui permet à la police de suspendre les permis de conduire des chauffeurs qui refusent d’effectuer un test rapide antidrogue avant d’avoir le résultat final des analyses médicales de sang. Tel est leur mécontentement, qu’une protestation a même eu lieu à Bucarest. Selon les organisateurs : « Le premier ministre Marcel Ciolacu et le ministre de l’Intérieur, Cătălin Predoiu, mettent en danger les vies et les carrières de milliers de chauffeurs innocents. Ceux-ci risquent d’avoir des dossiers pénaux et de perdre leurs emplois à cause des tests faux-positifs ».
Il paraît que leur voix a été entendue, parce que suite à ces protestations, l’Exécutif a promis de changer le Décret portant modification au Code de la Route, dans sa première réunion de cette semaine. Le premier ministre a demandé au ministère de l’Intérieur d’avancer de nouvelles propositions qui garantiront que les chauffeurs ayant un résultat faux-positif au test rapide antidrogue ne soient pas punis, mais aussi que la lutte contre le trafic de la drogue ne soit pas compromise.
Pour quoi tout cet état de choses ? Puisque les appareils de test antidrogue utilisés par la Police roumaine font trop d’erreurs, montrant souvent un test positif, même si le chauffeur n’a pas consommé de drogue. De leur côté, les médecins légistes ont expliqué à plusieurs reprises le fait que plusieurs aliments et médicaments usuels contiennent des substances qui peuvent rendre positifs les textes toxicologiques, mais qui n’affectent pourtant pas la capacité des chauffeurs de conduire. En voici un exemple concret : la codéine, utilisée contre la toux, mais qui donne des résultats positifs aux tests contre les opiacées. Voilà pourquoi il est nécessaire de doter d’urgence les instituts de médecine légale de nouveaux équipements, capables de confirmer ou d’infirmer un test rapide dans un délai aussi court que possible, de quelques jours seulement. Et pour cause. A présent, les résultats de ces tests arrivent au bout de plusieurs mois d’attente, des mois durant lesquels le permis de conduire du chauffeur en question est suspendu. (trad. Valentina Beleavski)