Le cas « Sebastian Ghita »
Au moment de son interpellation, Sebastian Ghita, 38 ans, avait présenté aux policiers serbes de faux papiers d’identité slovènes. Il ne ressemblait, non plus, aux photos véhiculées, à longueur de journée, par la chaîne de télévision roumaine dont il était le patron. Remonter jusqu’à lui, n’a pas été chose facile, une enquête complexe mobilisant, outre la police roumaine, les forces de l’ordre de Serbie, Hongrie, Bulgarie, Grèce, Turquie, Monténégro, Croatie, Autriche, Italie et France.
Ştefan Stoica, 14.04.2017, 13:58
Au moment de son interpellation, Sebastian Ghita, 38 ans, avait présenté aux policiers serbes de faux papiers d’identité slovènes. Il ne ressemblait, non plus, aux photos véhiculées, à longueur de journée, par la chaîne de télévision roumaine dont il était le patron. Remonter jusqu’à lui, n’a pas été chose facile, une enquête complexe mobilisant, outre la police roumaine, les forces de l’ordre de Serbie, Hongrie, Bulgarie, Grèce, Turquie, Monténégro, Croatie, Autriche, Italie et France.
Sebastian Ghita était enquêté dans pas moins de cinq affaires pénales et il avait été placé sous contrôle judiciaire. Sa disparition a été spectaculaire. Dans la nuit du 19 au 20 décembre 2016, alors qu’il se déplaçait dans une voiture roulant à 200 km/h sur une des routes nationales les plus circulées, l’homme a échappé aux policiers qui le surveillaient à distance, une autre voiture bloquant le véhicule de la police, comme l’a raconté l’agence Mediafax, citant des sources proches de l’enquête. Néanmoins, l’automobile de Sebastian Ghita a été retrouvée par la suite à son domicile, laissant supposer que celui-ci se trouvait bien chez lui, ce qui était loin d’être le cas.
Personnage sulfureux, Sebastian Ghita a surgi et évolué sur la scène publique et politique roumaine de manière tout aussi spectaculaire. Jeune et rusé homme d’affaires dans le secteur des technologies de l’information, il devient assez vite un habitué des contrats avec l’Etat, les plus profitables, et un proche d’hommes politiques influents tels l’ex-premier ministre social-démocrate, Victor Ponta. Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas là, Sebastian Ghita se rapprochant progressivement des services de renseignements. D’ailleurs, certains commentateurs roumains estiment que ce personnage est justement une création de ces services, dont il a par la suite échappé au contrôle, en apprenti sorcier. Les révélations sur la relation entre Sebastian Ghita et l’ex-adjoint au directeur des renseignements généraux, Florian Coldea, ont d’ailleurs mené à la démission de celui-ci. L’homme d’affaires a aussi tenté de jeter un doute sur ses rapports avec la procureure en chef de la Direction anticorruption, Laura Codruta Kövesi, mais celle-ci a fermement nié tout contact outre le cadre professionnel.
Dans le même temps, à l’instar d’autres grands patrons roumains aujourd’hui derrière les barreaux pour corruption, Sebastian Ghita a habilement investi dans les médias et notamment dans une chaîne de télévision d’information en continu, avec une orientation sensationnaliste, ciblant notamment ses propres adversaires et ceux de ses amis politiques.
Tout ce parcours a fait de Sebastian Ghita un habitué des tribunaux. Il est poursuivi dans deux affaires pénales aux côtés des anciens chefs de la police et du parquet du département de Prahova (sud) ainsi que dans une autre, où il est jugé conjointement avec l’ex-maire de la ville de Ploiesti (sud), Iulian Badescu. L’homme est également le protagoniste de trois dossiers de corruption. L’un concerne notamment une fraude aux fonds européens réalisée par Iulian Hertanu, beau-frère de l’ex-premier ministre, Victor Ponta, tandis que l’autre vise l’organisation d’une visite à Bucarest de l’ancien chef du gouvernement britannique, Tony Blair, en 2012. Enfin, un troisième dossier vise la conclusion de plusieurs contrats frauduleux, menant à du trafic d’influence et à du blanchiment d’argent commis en bande organisée.
L’arrestation de Sebastian Ghita crée le cadre pour que la justice roumaine écarte un personnage considéré comme toxique et nuisible pour la vie publique locale. (trad. : Andrei Popov)