La révocation de la procureure en chef de la Direction nationale anticorruption
Lundi matin, la porte – parole de l’Administration présidentielle faisait savoir que le chef de l’Etat, Klaus Iohannis, avait décidé de révoquer de ses fonctions Mme Kovesi, se conformant ainsi à une décision de la Cour Constitutionnelle.
Bogdan Matei, 09.07.2018, 14:00
Lundi matin, la porte – parole de l’Administration présidentielle faisait savoir que le chef de l’Etat, Klaus Iohannis, avait décidé de révoquer de ses fonctions Mme Kovesi, se conformant ainsi à une décision de la Cour Constitutionnelle.
Cette destitution survient le jour même où la coalition au pouvoir, formée par le Parti social – démocrate et par l’Alliance des démocrates et des libéraux menace de débattre d’une éventuelle suspension du président. Le chef de file des sociaux-démocrates et président de la Chambre des députés, Liviu Dragnea, a maintes fois accusé le président Iohannis de violation de la loi fondamentale, vu le retard inadmissible qu’il a mis à signer le décret de révocation.
Cette décision lui avait été pratiquement imposée, le 30 mai dernier, par la Cour constitutionnelle, qui avait constaté l’existence d’un conflit juridique de nature constitutionnelle entre le chef de l’Etat et le gouvernement. C’est le ministre de la Justice, Tudorel Toader, qui en a saisi la Cour, après qu’au mois de février le président eut rejeté pour manque de fondements sa demande de démettre Mme Kovesi et exprimé nettement sa confiance dans la probité et l’efficacité de celle-ci. Toader a pourtant affirmé que la solution formulée par la Cour Constitutionnelle reposait sur le principe constitutionnel selon lequel les procureurs mènent leur activité sous l’autorité du ministre de la Justice. Il soutient également qu’à la différence du ministre, le chef de l’Etat n’est pas légalement habilité à évaluer les compétences professionnelles ou managériales des procureurs de haut rang.
Mme Kovesi, considérée par certains comme le fer de lance de la lutte contre la corruption ou par d’autres comme la cheffe d’un système policier abusif, affirmait récemment à New York, lors d’un débat organisé au siège de l’ONU, que le plus grand défi qui se posait devant la Roumanie était celui de garder l’indépendance des juges et des procureurs. Il y a eu des tentatives répétées de modifier la législation anticorruption afin de limiter les instruments législatifs dont disposent les procureurs anticorruption ou de dépénaliser certains faits. Des fois, on a refusé la levée de l’immunité des hommes politiques accusés de corruption.
Tout le système judiciaire a été confronté à des attaques par le biais des fausses nouvelles ou des déclarations publiques censées affaiblir la confiance dans la justice. Voilà en bref la chronique de cette dernière année et demie pendant laquelle le pouvoir a été accusé d’entraver la lutte anticorruption et de se subordonner les magistrats. Le ministre de la Justice, Tudorel Toader, a rétorqué que les acquittements, les conflits juridiques de nature constitutionnelle, les dossiers frappés de prescription ou bien les abus des procureurs n’étaient pas de fausses nouvelles.
Rien que ces cinq dernières années, les procureurs anticorruption ont renvoyé devant les juges 14 ministres et ex ministres et 53 parlementaires. 27 d’entre eux ont déjà été condamnés définitivement. Dans la même période, la DNA a décidé de la mise en place de mesures conservatoires visant à récupérer près de 2,3 milliards de dollars. Les analystes estiment que le Parquet national anticorruption doit poursuivre son assaut, car, dans une démocratie mature, les instituions fonctionnent et accomplissent leurs tâches quels que soient les noms de leurs chefs. (Trad. Mariana Tudose)