La drogue, un risque pour la sécurité nationale
Cest une première en Roumanie, le Conseil suprême de défense du pays qualifie le trafic et la consommation de la drogue de risque majeur pour la sécurité nationale.
Bogdan Matei, 13.10.2023, 12:54
Des décennies durant, la Roumanie semblait immune au
fléau de la drogue, qui ravageait pourtant l’Europe Occidentale ou l’Amérique
du Nord depuis déjà le siècle passé. Avant 1989, la dictature communiste se
vantait d’avoir créé un Etat pratiquement imperméable aux trafiquants, grâce à la
vigilance de la police. Puis, après la chute de la dictature, des théories
sociales et économiques ont été véhiculées selon lesquelles les Roumains
étaient sortis du communisme trop pauvres pour se permettre d’acheter des drogues.
Peu à peu, ces illusions quelque peu rassurantes se sont dissipées, et de nos
jours, dans les quartiers les plus pauvres de la capitale roumaine, Bucarest,
que les habitants eux-mêmes appellent « des ghettos », les drogues sont
vendues dans la rue, en plein jour. Plus encore, les grands festivals de
musique électronique qui ont fait la renommée de la Roumanie ces dernières
années (tels Untold, Neversea et autres) sont des endroits propices au trafic
de substances illicites, la police annonçant à chaque édition combien de
dealers et de consommateurs elle y a identifiés.
Et ce n’est pas tout. La drogue arrive de nouveau dans les établissements
scolaires de Roumanie. Par exemple, parmi les membres d’un réseau démantelé
dans un prestigieux lycée de Bucarest, la police a identifié les enfants d’un
employé du ministère des Affaires étrangères et d’un autre de la Procurature.
Cette semaine même, une juge du Tribunal pénal de Suceava (nord) a été arrêtée
pour 30 jours sous accusation d’acceptation de pots-de vin, possession de
drogue et divulgation d’informations qui n’étaient pas publiques, qu’elle
fournissait à des trafiquants poursuivis.
Mais le choc le plus fort que la société roumaine a ressenti à ce sujet, a
été lors d’un incident produit en août dernier, lorsqu’un jeune chauffeur sous
l’influence de la drogue, issu lui aussi d’une famille très riche, a tué dans
un accident de la route deux personnes dans une station au bord de la mer Noire.
C’est dans ce contexte tout à fait sinistre, que le Conseil Suprême de
Défense du Pays, avec à sa tête le chef de l’Etat, Klaus Iohannis, s’est réuni ce
jeudi pour débattre du phénomène de la drogue en tant que risque majeur pour la
sécurité nationale. Il a été décidé de la création d’un groupe de travail formé
de membres de plusieurs institutions dont la mission sera de prévenir et de lutter
d’une manière plus efficace contre les risques engendrés par le trafic et la
consommation de substances illicites. Plus précisément, le groupe réunira des
secrétaires d’Etat, des représentants du Service roumain de renseignements, des
procureurs et des spécialistes antidrogue, sous la coordination du
gouvernement. Ils élaboreront un plan d’action commun, avec des objectifs, des
mesures et des responsabilités claires afin de mieux lutter contre ce fléau. Qui
plus est, des groupes de travail opérationnels seront aussi créés au niveau
local, dans les départements, puisque le problème n’est pas limité à la seule
capitale. De son côté, l’Exécutif examinera le cadre législatif portant sur le
trafic et la consommation de drogue et avancera des propositions pour modifier
et compléter les actes normatifs en vigueur, de sorte à en éliminer les lacunes. (Trad. Valentina Beleavski)