La Cour constitutionnelle de la Roumanie rejette l’augmentation des amendes
Roxana Vasile, 07.05.2020, 12:28
Une des principales mesures coercitives
appliquées pendant l’état d’urgence en Roumanie a été le durcissement des
amendes afin de dissuader ceux qui tentent d’entraver les efforts des autorités
de limiter la propagation du coronavirus. Par décret d’urgence gouvernemental,
les Roumains qui n’ont pas respecté les normes imposées se sont vu contraints de
payer des sommes immenses par rapport à leurs revenus. Et pour cause ;
pour un salaire moyen d’environ 700 euros, l’amende minimum a été fixée à 400
euros, alors que la sanction maximale peut atteindre l’équivalent en lei des
4000 euros. Plus encore, de nombreuses voix dénoncent le fait que les normes
imposées par les ordonnances militaires sont plutôt vagues, laissant beaucoup
de place à l’interprétation pour les policiers. Ce qui fait que de nombreux
Roumains se sont vu infliger des amendes de manière abusive, dont des personnes
âgées aux revenus précaires ou des personnes vivant en milieu rural, ayant un
niveau minimum d’éducation et peu d’accès à l’information.
Sur cette toile de fond, la Cour constitutionnelle
de la Roumanie a validé, mercredi, la saisine déposée par l’Avocat du peuple
(l’équivalent du Défenseur des droits français) contre l’ordonnance d’urgence
par laquelle le gouvernement avait mis en place ces sanctions drastiques pour
tous ceux qui ne respectent pas la quarantaine et le confinement. Bref, les
amendes infligées ont été déclarées inconstitutionnelles. Selon les juges, le
texte de l’ordonnance manque de clarté, de précision et de prévisibilité, alors
qu’il incombait à la police de juger effectivement et de manière arbitraire si
les faits relèvent oui ou non de la contravention.
En réplique, le premier ministre libéral Ludovic
Orban a déclaré que la CCR a rendu une décision à caractère politique : « Par
cette décision, on pourrait dire que le gouvernement, les autorités sont
empêchées de protéger la santé et la vie des Roumains. Par cette décision, on
peut se retrouver dans la situation où les autorités sont incapables d’appliquer
une amende pour la transgression de certaines normes régissant la période de
l’état d’urgence. »
A son tour, le ministre des Finances, Florin Cîţu,
affirme que l’objectif du durcissement des sanctions n’était pas de renflouer
les caisses de l’Etat, mais de réduire le risque de propagation de la pandémie.
De l’autre côté de la barricade politique,
l’opposition – formée du Parti Social Démocrate, de l’Alliance des Libéraux et des Démocrates et de ProRomania – a élaboré un projet de
loi portant sur l’annulation automatique de la plupart des amendes appliquées
pendant l’état d’urgence, de sorte que l’activité des tribunaux ne soit pas
bloquée par des milliers de contestations.
Enfin, notons aussi que la Fondation pour la
défense des citoyens contre les abus de l’Etat a fait savoir que tous les
Roumains qui estiment avoir été sanctionnés abusivement peuvent, du moins pour
l’instant, contester en justice les amendes infligées jusqu’au 30 mai prochain.
Et ils sont plus de 300.000 ! (Trad. Valentina Beleavski)