La Commission de Venise donne son avis sur les élections de Roumanie
Il faut réglementer clairement le pouvoir de la Cour Constitutionnelle d’annuler des élections, affirme la Commission de Venise. Voici son opinion quant au scrutin présidentiel annulé en Roumanie.
Bogdan Matei, 28.01.2025, 12:30
Les recommandations de la Commission de Venise
Les échos de la crise politique sans précédent survenue en Roumanie à la fin de l’année dernière se font toujours entendre. Cette fois-ci, ils viennent de l’extérieur. C’est la prestigieuse Commission de Venise qui vient de publier son rapport concernant l’annulation par la Cour Constitutionnelle des élections présidentielles de Roumanie en décembre dernier.
Après avoir examiné la situation, la Commission de Venise recommande qu’une telle décision ne soit pas fondée uniquement sur des informations classés, qui ne garantissent pas la transparence nécessaire. En revanche, il faut indiquer avec précision les normes enfreintes et apporter des preuves en ce sens. Plus encore, il faudrait limiter le pouvoir de la Cour Constitutionnelle à des circonstances exceptionnelles et le réglementer de manière très claire.
Les experts indépendants en droit constitutionnel de la Commission de Venise estiment également qu’il est particulièrement difficile de prouver que la loi a été transgressée dans les campagnes électorales menées en ligne ou sur les réseaux sociaux. Tout cela, pour conclure qu’il est hors de leurs compétences que de formuler un avis sur la décision de la Cour Constitutionnelle de Roumanie d’annuler les élections présidentielles.
La classe politique roumaine réagit
A Bucarest, la réaction des partis politiques de l’opposition à ce rapport de la Commission de Venise n’a pas tardé. Aux yeux de l’Union Sauvez la Roumanie (USR, de centre-droit), l’Alliance pour l’Union des Roumains (ultra-nationaliste, AUR) et le Parti des Jeunes (POT, ultranationaliste), pratiquement, l’organe consultatif du Conseil de l’Europe ne fait que confirmer que la décision de la Cour Constitutionnelle de Roumanie (CCR) a été illégale et abusive.
Les avis sont toutefois partagés au sein de la classe politique roumaine. Par exemple, l’ancien ministre de la Justice, Tudorel Toader, affirme que les experts de la Commission de Venise ne peuvent donner que des opinions et ne formulent pas de décisions, leurs suggestions n’étant pas obligatoires. Il reconnaît néanmoins que, d’habitude, les Etats-membres de l’UE, adoptent les indications de cette Commission afin de s’aligner sur les normes de l’Etat de droit.
Le scrutin du 24 novembre 2024
Pour rappel, organisé le 24 novembre 2024, le premier tour du scrutin présidentiel de Roumanie a été remporté haut la main par un candidat indépendant souverainiste quasi inconnu, ce qui a fait la surprise générale. Ce tour de scrutin a initialement été validé par la CCR. Par la suite, sur la base des documents fournis par le Conseil Suprême de Défense de la Roumanie, la CCR a invoqué des ingérences d’un soi-disant « acteur étatique », décidant d’annuel l’ensemble du processus électoral en vue de l’élection d’un nouveau chef d’Etat. Prévu le 8 décembre dernier, le second tour de l’élection présidentielle roumaine aurait dû opposer le candidat indépendant ultra-nationaliste Calin Georgescu, accusé d’être pour le moins un sympathisant de la Russie de Poutine, et la cheffe de l’Union Sauvez la Roumanie, la pro-européenne Elena Lasconi.
A noter que dans la diaspora roumaine, le vote pour le second tour du scrutin présidentiel avait déjà démarré le 6 décembre car s’étalant sur 3 jours. Par conséquent, des dizaines de milliers de Roumains de l’étranger avaient déjà voté au moment où la CCR a décidé, le soir du 6 décembre, d’arrêter le processus électoral, le considérant comme non valide. Les coûts des élections ainsi annulées s’élèvent à 1,4 milliards de lei (environ 280 millions d’euros), dans un pays où, précisent les analystes, les décideurs viennent d’adopter des mesures sévères visant notamment les dépenses publiques, dans une tentative de réduire un déficit public qui ne cesse de croître. Des mesures qui ont causé le mécontentement général de la population et même des manifestations de rue véhémentes.
Kaus Iohannis reste en fonction
A noter aussi que le second mandat de 5 ans du président en exercice, Klaus Iohannis, expirait le 21 décembre 2024. Sur cette toile de fond, il reste en fonction jusqu’à ce qu’un nouveau chef d’Etat est élu et validé par la CCR. Le nouveau scrutin présidentiel a déjà été fixé : le premier tour de scrutin aura lieu le 4 mai prochain et le second – le 18 mai. D’ici là, à en croire les enquêtes sociologiques, la confiance des Roumains faite aux institutions de l’Etat et aux acteurs qui dominent la scène politique a chuté drastiquement, au plus bas niveau. (trad. Valentina Beleavski)