Justice et lutte anticorruption
Fin 2004, après avoir dirigé dune main de fer, quatre années durant, son gouvernement et la plus importante formation politique de Roumanie – le Parti social-démocrate – rien ne semblait arrêter Adrian Nastase dans la course au fauteuil présidentiel. Toutefois, limpossible se produit et lhomme perd de manière spectaculaire au second tour du scrutin devant limprévisible Traian Basescu.
Ştefan Stoica, 22.08.2014, 13:10
Cest juste après cet échec que commence la saga judiciaire dont il a été le personnage clé. Il fut enquêté dans trois lourdes affaires de corruption. Dans deux dentre elles, il essuya des peines de prison ferme pour détournement de fonds en vue de financer sa campagne présidentielle ainsi que pour avoir touché des pots-de-vin. Les faits sétaient déroulés durant son mandat à la tête de lexécutif, une période jugée efficace pour ce qui est du processus dintégration à lUE, mais entachée de graves suspicions de corruption.
Intervenu en 2012, le verdict des magistrats a été une première pour la Roumanie. Adrian Nastase devenait le premier haut responsable post-communiste à devoir exécuter une peine de prison ferme. Dautres ministres ou hauts fonctionnaires lui ont suivi, la justice roumaine – longtemps mise en cause pour sa clémence à légard des cas de grande corruption – apparaissait, enfin, affranchie du mécanisme politique qui avait miné son indépendance. Une nouvelle ère commençait avec la condamnation dAdrian Nastase, mettant fin brusquement à une ascension politique fulgurante.
Lhomme na cessé de répéter à tout vent quil était innocent et victime politique du chef de lEtat, Traian Basescu, perçu par ses adversaires comme un personnage rongé par la rancune et le désir de revanche tout en manipulant les procureurs. Toutefois, Adrian Nastase a été perçu comme un symbole de la corruption au sommet de lEtat, comme les magistrats de la Haute Cour de Cassation et de Justice ont dailleurs motivé leur arrêt lors de la première condamnation. Son incarcération a fait du bruit, les commentateurs étrangers estimant que le verdict de la justice était une preuve de maturité de lEtat roumain de droit.
En revanche, la tendance générée par Adrian Nastase ayant forgé pour Traian Basescu une image dogre qui dévore ses rivaux a été reprise et exploitée par les médias. Le président fondateur du Parti conservateur, linfluent homme daffaires Dan Voiculescu, condamné cet été à dix ans de prison ferme pour blanchiment dargent, clame être, lui aussi, une victime du président de la République. Ce nest donc pas par hasard que, depuis la prison, dans un message publié sur son blog, Dan Voiculescu se félicite de la mise en liberté dAdrian Nastase, estimant que les Roumains vivent, selon lui, dans une dictature qui touche à sa fin. Les accusations de manipulation des procureurs portées contre Traian Basescu apparaissent néanmoins comme ridicules, tandis que le frère cadet lui-même du président est en détention provisoire pour trafic dinfluence. (trad.: Andrei Popov)