Incertitudes à Chişinău
Les commentateurs de la vie politique de Chişinău accusent une sensation de plus en plus marquante de fin d’époque. Six années après être arrivé au pouvoir, sur la toile de fond de manifestations de rue qui ont mis fin à la gouvernance communiste philo-russe 2001 – 2009, l’alliance gouvernementale tripartite, qui se déclare pro-occidentale, est plus désunie que jamais.
Bogdan Matei, 23.10.2015, 13:19
Les commentateurs de la vie politique de Chişinău accusent une sensation de plus en plus marquante de fin d’époque. Six années après être arrivé au pouvoir, sur la toile de fond de manifestations de rue qui ont mis fin à la gouvernance communiste philo-russe 2001 – 2009, l’alliance gouvernementale tripartite, qui se déclare pro-occidentale, est plus désunie que jamais.
Plus rien ne semble plus souder les libéraux-démocrates, les démocrates et les libéraux. Gravement décrédibilisée par les scandales de corruption au sommet et par la dégradation galopante du niveau de vie, dans un Etat considéré comme le plus pauvre d’Europe dans beaucoup de classements de spécialité, le Pouvoir est maintenant tenu de passer le test d’une motion de censure déposée par l’opposition de gauche.
42 députés socialistes et communistes exigent la démission du premier ministre libéral-démocrate Valeriu Streleţ, accusé de défendre son ancien chef de parti, Vlad Filat, retenu pour corruption, et d’être lui-même impliqué dans des affaires louches. Le leader socialiste Igor Dodon, un des favoris du Kremlin, souhaite aussi le départ du président Nicolae Timofti et l’organisation d’élections anticipées, censées rafraîchir l’administration de haut en bas. L’ancien chef de l’Etat, le communiste Vladimir Voronine, propose, lui, la formation d’un gouvernement de technocrates, soutenu par une ample majorité parlementaire, mais sans la participation du Parti libéral-démocrate de Streleţ et Filat.
Pour passer avec 50% des voix plus une, la motion a encore besoin de neuf votes favorables. Or, les correspondants de Radio Roumanie à Chişinău constatent déjà, après l’arrestation de Filat, que les mésententes au sein de l’alliance gouvernementale, appelée pour l’Intégration européenne, sont devenues de plus en plus visibles. Quant aux démocrates et aux libéraux, partenaires du Parti libéral-démocrate moldave, ils ont commencé à voter de manière ponctuelle au Parlement aux côtés des socialistes et des communistes. En plus, le président du Parlement, le démocrate Andrian Candu, a annoncé que son parti déciderait la semaine prochaine s’il soutient ou pas la motion de censure contre le gouvernement dont il fait partie.
L’occasion pour les médias de rappeler le passé communiste de certains chefs du parti, tels que Marian Lupu ou Dumitru Diacov – ce dernier accusé fréquemment d’appartenance aux services secrets soviétiques – ou encore les connaissances mafieuses de l’oligarque Vlad Plahotniuc, considéré le leader de facto du Parti démocrate. Investi l’été dernier, le premier ministre de Chişinău, Valeriu Streleţ, qualifie la motion contre son cabinet comme une tentative de déstabiliser la République de Moldova du point de vue politique et économique, et de la détourner de son cheminement européen.
La Roumanie, qui vient d’accorder un crédit de 150 millions d’euros à la République de Moldova est la première inquiétée par la dégradation de la situation dans l’Etat voisin. Bucarest a averti, par la voix du premier ministre Victor Ponta, qu’il continuerait de soutenir Chişinău uniquement si son gouvernement est mené par une coalition pro-occidentale. Selon le chef du gouvernement roumain, une éventuelle rupture de l’alliance gouvernementale pourrait créer une situation qui profiterait à la Fédération de Russie.