Des dizaines de milliers de Roumains dans les rues
Environ 28.000 personnes à Bucarest et des milliers dans les autres grandes villes du pays sont descendues dans la rue dimanche soir pour demander au gouvernement de renoncer aux deux projets de décrets d’urgence. En vertu du premier document, la grâce serait accordée aux personnes purgeant des peines de prison de moins de cinq ans, sauf les récidivistes. On propose également de réduire à moitié les peines de prison ferme dans le cas des personnes âgées de plus de 60 ans, des femmes enceintes ou des personnes ayant la charge de mineurs âgés de moins de 5 ans. En sont exceptées les peines pour infractions commises avec violence, infractions contre la sûreté nationale et de haute corruption.
Bogdan Matei, 23.01.2017, 13:31
Environ 28.000 personnes à Bucarest et des milliers dans les autres grandes villes du pays sont descendues dans la rue dimanche soir pour demander au gouvernement de renoncer aux deux projets de décrets d’urgence. En vertu du premier document, la grâce serait accordée aux personnes purgeant des peines de prison de moins de cinq ans, sauf les récidivistes. On propose également de réduire à moitié les peines de prison ferme dans le cas des personnes âgées de plus de 60 ans, des femmes enceintes ou des personnes ayant la charge de mineurs âgés de moins de 5 ans. En sont exceptées les peines pour infractions commises avec violence, infractions contre la sûreté nationale et de haute corruption.
La grâce serait liée au paiement, dans un délai maximum dune année depuis la mise en liberté, des dédommagements établis par le tribunal. Par ailleurs, l »abus de pouvoir » ne serait pénalisé que sur la base dune plainte préalable et seulement si le préjudice est supérieur à 200.000 lei (44.000 euros). En outre, les dénonciateurs ne seront pas exempts de responsabilité pénale si la dénonciation nest pas faite dans les six mois suivant le fait dénoncé.
Le ministre de la Justice, Florin Iordache, affirme que ces actes normatifs sont nécessaires pour désengorger les pénitenciers et harmoniser la législation avec certaines décisions de la Cour constitutionnelle. Il rappelle que la Roumanie a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour « mauvais traitement » et «conditions inhumaines » dans ses prisons. 2500 personnes bénéficieraient de la grâce collective envisagée par le gouvernement, affirme le ministre Iordache.
Pour leur part, le Parquet Général, la Direction Nationale Anticorruption (DNA), la Direction dinvestigation des infractions liées au crime organisé et au terrorisme (DIICOT), les associations de magistrats, différents ONG et la société civile se sont prononcés contre la modification de la loi pénale visant la corruption, l’abus de fonctions et l’intégrité en régime d’urgence et en plus sans aucune transparence, sans une analyse préalable.
A Cluj (nord-ouest), à Ploiesti (sud), à Timisoara (ouest), comme à Iasi (est) les gens n’ont pas hésité à exprimer leur indignation : « Sincèrement, en tant que jeune Roumain, je ne trouve pas normal que les gens qui ont causé des préjudices à l’Etat et qui ont des dossiers pénaux soient mis en liberté. Je trouve que c’est une loi dédiée à certaines personnes. », affirme un étudiant, alors qu’un autre jeune homme renchérit «Je suis d’accord avec la mise en liberté des gens qui ont volé une poule ou trois boîtes de conserves parce qu’ils n’avaient rien à manger et ainsi de suite, mais on ne peut pas libérer ceux qui ont pillé un pays ».
La plupart des manifestants — environ 30.000 — ont protesté dans la capitale, en parcourant les principaux boulevards, en s’arrêtant devant le palais du Gouvernement et les sièges du PSD et de l’Alliance des Libéraux et des Démocrates, les deux partis qui forment la coalition au pouvoir. « Bucarest exige : aucune grâce ! », « En prison, pas au gouvernement !» ou encore « Dans une démocratie, les voleurs restent en prison !» – ont crié les gens, qui à part la rhétorique virulente, ont manifesté de la manière la plus pacifique.
Ils ont été rejoints pour une quinzaine de minutes par le président Klaus Iohannis. S’opposant lui aussi à l’initiative du gouvernement, le chef de l’Etat a précisé qu’il était venu pour exprimer à son tour l’indignation face aux politiciens impliqués dans des dossiers pénaux qui souhaitent affaiblir l’Etat de droit. Klaus Iohannis : «Il est inadmissible de modifier la loi pour que les dossiers de dizaines, voire de centaines de politiciens soient blanchis, pour qu’ils puissent continuer à défier la loi. Les Roumains ont raison d’être indignés », a affirmé le chef de l’Etat.
Pour sa part, le chef du PSD, Liviu Dragnea, a estimé que, par sa présence à la manifestation, le président Klaus Iohannis n’avait pas respecté la loi et qu’il visait en fait des avantages politiques personnels. Une idée partagée par certains commentateurs, qui accusent le président d’avoir outrepassé son rôle de médiateur neutre. Par contre, d’autres analystes ne cessent de rappeler haut et fort qu’aucune des promesses faites par le PSD avant le scrutin législatif, qu’il a remporté avec une majorité écrasante, ne laissait entendre qu’une fois arrivé au pouvoir, son premier souci serait de libérer ceux qui ont pillé le pays. (trad. : Valentina Beleavski)
Il s’agissait du mouvement de protestation le plus important déroulé à l’échelle nationale après les manifestations de 2015, ayant renversé le gouvernement de l’époque après l’incendie meurtrier de la discothèque Colectiv. A Bucarest, les protestataires ont marché jusqu’aux sièges du gouvernement et de la principale formation politique au pouvoir, le PSD. Reportage lors du rassemblement des protestataires, place de l’Université.