Coïncidences d’un incendie
« La coïncidence est tragique » précise d’emblée le professeur Marc Chaouat. Aux côtés d’une équipe de médecins spécialistes des grands brûlés, le secrétaire général de la Société française d’étude et de traitement des brûlures (SFET) aurait dû marquer juste une nouvelle étape du dialogue, entamé il y a deux ans, avec ses collègues roumains, qui tentent de mettre leur branche médicale à l’heure européenne. Sauf que ce déplacement, en principe, de routine et planifié depuis des mois, s’est avéré une épreuve inattendue pour les deux parties.
Andrei Popov, 03.11.2015, 13:52
« La coïncidence est tragique » précise d’emblée le professeur Marc Chaouat. Aux côtés d’une équipe de médecins spécialistes des grands brûlés, le secrétaire général de la Société française d’étude et de traitement des brûlures (SFET) aurait dû marquer juste une nouvelle étape du dialogue, entamé il y a deux ans, avec ses collègues roumains, qui tentent de mettre leur branche médicale à l’heure européenne. Sauf que ce déplacement, en principe, de routine et planifié depuis des mois, s’est avéré une épreuve inattendue pour les deux parties.
L’incendie meurtrier de vendredi dernier, soldé par une trentaine de morts et quelque 180 blessés, a mis les médecins bucarestois devant une situation inédite pour tous les membres de la profession, explique le professeur Marc Chaouat, après avoir visité cinq hôpitaux de la capitale roumaine : « C’est une situation exceptionnelle qu’on rencontre extrêmement rarement. Moi-même, avec 20 ans de chirurgie des brûlés je n’ai jamais rencontré une telle situation et un tel nombre de patients à traiter en même temps. Je veux exprimer notre solidarité envers les patients, leurs familles, nos collègues médecins, qui font vraiment tout ce qu’ils peuvent, et envers les autorités. On a pu voir à quel point tout le monde était mobilisé ».
Il s’agit, en fait, d’une véritable course contre la montre face à la complexité des symptômes présentés par les victimes, dont une des clés n’a pu être déchiffrée que ce lundi, affirme le professeur Ioan Lascăr, chef de la Clinique de chirurgie plastique de l’hôpital Floreasca : « Un groupe de chercheurs de l’Université polytechnique de Bucarest a déterminé le mélange de gaz dégagé par la combustion du revêtement acoustique des murs de la discothèque. Le monoxyde de carbone est dominant, suivi par les cyanures, les monoxyde et dioxyde d’azote, l’acide chlorhydrique, le toluène et le xylène. Une telle combinaison de poisons est difficilement imaginable. Les brûlures extérieures des victimes ne sont pas hors du commun, mais s’y ajoutent l’inhalation de ces gaz, de même que les températures ayant provoqué des brûlures des voies respiratoires. Tout cela a engendré une évolution imprévisible et inédite des patients ».
Après avoir traité une vingtaine de milliers de grands brûlés durant sa carrière, le professeur Dan Enescu, spécialiste de la microchirurgie reconstructrice, ne cache pas, non plus, sa stupeur : « La complexité de ces cas est sans précédent. Les patients ont une apparence différente par rapport à tout ce que l’on connaît. Après avoir visité, aux côtés des collègues français, les hôpitaux qui accueillent les victimes, je peux vous dire que nous avons un système médical plus fort que je ne l’avais imaginé. Nous avons trouvé des équipes très enthousiastes qui tentent de trouver les meilleures solutions à ces brûlures même si, jusqu’à présent, elles n’avaient pas toutes les données du problème. C’est une épreuve dure mais je suis persuadé qu’à la fin on pourra compter le plus de survivants possible ».
Le temps commence néanmoins à manquer. Le pronostic vital de nombre de victimes de l’incendie de vendredi dernier est engagé. « Nous apprécions et nous acceptons toute aide qui peut nous être apportée », affirme sans détours le ministre roumain de la Santé, Nicolae Bănicioiu, en remerciant la France et les autres pays ayant dépêché du personnel médical à Bucarest. Et pour cause, autorités et médecins craignent le pire scénario – un nombre de décès multiplié par deux.