Bucarest réagit aux déclarations controversées de Minsk
Bogdan Matei, 19.09.2022, 11:00
Le ministère roumain des AE a promptement réagi aux déclarations du président de la Biélorussie, Aleksandr Lukachenko, selon lequel « les Etats-Unis poussent l’Europe dans une confrontation militaire avec la Russie sur le territoire de l’Ukraine et d’autres Etats, y compris la Roumanie, pourraient y être directement impliqués ».
La réaction de Bucarest n’a pas tardé. Le MAE a toute de suite transmis que « La partie roumaine rejette fermement ces affirmations inadmissibles qui alimentent la rhétorique fondée sur un appel à la force et sur la menace par la force dans les relations internationales ». Bucarest rappelle aussi « le rôle et la responsabilité internationale de la Biélorussie en sa qualité de complice de la Russie à soutenir la guerre d’agression contre l’Ukraine ». La Roumanie est un Etat membre de l’OTAN, soit de l’alliance la plus forte de l’histoire et, par conséquent, bénéficie au plus haut niveau de toutes les garanties de sécurité qui en découlent, souligne encore la diplomatie roumaine.
Au pouvoir depuis 1994, Aleksandr Lukachenko est souvent qualifié de dernier dictateur d’Europe. De son côté, l’opposition biélorusse craint que le président ne cède à Moscou une partie de la souveraineté nationale, en échange pour la protection accordée par la Russie. D’ailleurs, les relations entre les deux pays se sont renforcées après l’appui inconditionnel de Moscou pour le leader de Minsk, lors de sa réélection en 2020, contestée avec véhémence au pays, car truquée, le plus probablement. Qui plus est, la coopération bilatérale est considérée comme une échappatoire aux sanctions imposées par l’Occident aux deux pays.
Si les affirmations de Lukachenko ne sont plus une surprise pour personnes, et touchent très peu de monde en fait, les esprits s’agitent en Roumanie à cause des déclarations faites au sujet de la guerre en Ukraine par le professeur des universités Andrei Marga, ancien ministre des AE et de l’éducation. Personnage plutôt controversé, promoteur des valeurs occidentales par les hautes fonctions qu’il a occupées dans le temps, ancien collaborateur de la police politique communiste roumaine, Andrei Marga a parlé de ce qu’il a appelé « les frontières anormales » d’Ukraine, qui devrait, à son avis, céder des territoires à la Russie, à la Hongrie, la Pologne et la Roumanie. Le ministère des AE a tout de suite réagi à ces affirmations, les considérant comme étant « inacceptables » et en flagrante contradiction avec « la position officielle de Bucarest face à l’agression illégale, injustifiée et non-provoquée de la Russie contre l’Ukraine » mais aussi avec « les principes fondamentaux du droit international ».
Pourtant le point de vue d’Andrei Marga est partagé par une certaine catégorie de la population, pas forcément nationaliste, mais qui estime quand même que l’Ukraine a hérité, sans le vouloir mais sans scrupules aussi, des territoires de l’est de la Roumanie, annexées en 1940 par l’Union soviétique de Staline suite à un Ultimatum. Toutefois, l’opinion publique roumaine fait une distinction très nette entre les traumas historiques et les frustrations politiques d’une part et d’autre part – la crise humanitaire actuelle en Ukraine. Pour rappel plus de 2 millions 300 mille Ukrainiens, des femmes et des enfants pour la plupart, ont opté de fuir la guerre par la Roumanie. Plus de 4 300 personnes ont demandé et reçu l’asile dans notre pays et bénéficient de tous les droits prévus par la législation nationale. 70 000 autres réfugiés ont reçu des permis de séjour en tant que bénéficiaires d’une protection temporaire de la part de l’Etat roumain.