Trente ans depuis le phénomène « La Place de l’Université »
Même si ces jours-ci, les commémorations sont interdites en raison de la pandémie de coronavirus, les Roumains se souviennent certainement des événements passés il y a trente ans et restés depuis dans la mémoire collective sous le nom de « La Place de l’Université ». Ce phénomène, qui s’est produit quelques mois seulement après la chute du communisme, allait marquer la société roumaine pendant longtemps, restant un des principaux repères de la lutte anticommuniste. Mal compris dans un premier temps, il a engendré à l’époque une forte fracture au sein d’une société profondément marquée par des dizaines d’années de régime totalitaire.
Eugen Coroianu, 23.04.2020, 00:22
Même si ces jours-ci, les commémorations sont interdites en raison de la pandémie de coronavirus, les Roumains se souviennent certainement des événements passés il y a trente ans et restés depuis dans la mémoire collective sous le nom de « La Place de l’Université ». Ce phénomène, qui s’est produit quelques mois seulement après la chute du communisme, allait marquer la société roumaine pendant longtemps, restant un des principaux repères de la lutte anticommuniste. Mal compris dans un premier temps, il a engendré à l’époque une forte fracture au sein d’une société profondément marquée par des dizaines d’années de régime totalitaire.
A titre de rappel, disons que le 22 avril 1990, des dizaines de Roumains se sont réunis Place de l’Université, au cœur de Bucarest, pour exprimer leur mécontentement face à la situation politique de l’époque. Ils ont décidé de décréter cet endroit du centre-ville bucarestois « première zone libérée du néo-communisme », allusion à la politique menée par le chef de l’Etat de l’époque, Ion Iliescu, et par le Front du Salut national, un parti ayant réuni d’anciens communistes. Occupée dans un premier temps par des dizaines de jeunes roumains, la Place de l’Université fut très vite prise d’assaut par des milliers de gens en colère contre Ion Iliescu qui a traité les protestataires de « golani » (loubards).
Soutenu par les forces politiques de droite, le mouvement appelé « La Golaniade » a débuté en pleine campagne électorale pour les premières élections démocratiques, a duré 53 jours et a été étouffé violemment par les gueules noires appelées en renfort par le président Iliescu lui-même. Les images avec les mineurs de la Vallée du Jiu intervenant brutalement pour disperser les protestataires et les civils rassemblés Place de l’Université ont fait le tour du monde, déclenchant une vague de critiques de la part de l’Occident envers le régime de Ion Iliescu. D’ailleurs, celui-ci et la gauche ayant remporté les élections à l’époque ont été tenus pour principaux responsables de la descente des mineurs sur Bucarest – accusations rejetées de nos jours encore.
L’universitaire Emil Constantinescu, ancien président de la Roumanie, parle du phénomène de « La Place de l’Université » comme « d’une école de la démocratie ». Installé à la tête du pays en 1996, Emil Constantinescu soutient qu’en 1990, la classe politique redoutait un électorat dépourvu de craintes, animé par la force de la vérité et par des idéaux. Trente ans plus tard, ce phénomène est devenu histoire, mais par sa force, il a propulsé le pays vers l’intégration européenne et euro-atlantique. Actuellement, d’autres difficultés, défis et incertitudes nous hantent en tant que nation, affirme Emil Constantinescu, en précisant que la haine a quitté la rue pour se retrouver sur les réseaux sociaux. A force de remémorer ses moments historiques quand « la lumière a percé le voile de la nuit », on pourrait anéantir aussi bien les virus qui risquent de contaminer nos corps que ceux qui pourraient infecter nos consciences, a fait savoir l’ex chef d’Etat roumain, Emil Constantinescu. « Ce n’est qu’ensemble que l’on peut réussir ! » a-t-il conclu. (trad. Ioana Stancescu)