Timișoara, 34 ans après
34 ans se sont écoulés depuis la révolution anticommuniste roumaine, déclenchée à Timișoara (ouest).
Bogdan Matei, 18.12.2023, 07:38
Les années ’80 du siècle dernier ont été parmi les plus sombres de l’histoire de la Roumanie. Au pouvoir depuis un quart de siècle, déjà septuagénaire, le dictateur communiste Nicolae Ceaușescu était l’objet d’un infatigable culte de la personnalité. Ses poètes de cour l’appelaient génie alors que pour les propagandistes de l’appareil du parti unique il était le grand timonier d’un pays heureux et riche, qu’il mène vers le rêve d’or de l’Humanité, soit le communisme. Les quelques heures d’émission de la télévision d’Etat lui étaient presque entièrement réservées, et la radio et les journaux, strictement contrôlés par le régime, rivalisaient, à leur tour, dans des dithyrambes adressés au secrétaire général du parti.
Un contexte difficile
Parallèlement à ce théâtre délirant au sommet du régime, le pays traversait une crise économique grave et souffrait du froid, de la faim et de la peur. Les Rouamins grelottaient dans leurs immeubles, dans les écoles et les théâtres qui n’étaient pas chauffés pendant tout l’hiver. Il n’y avait presque rien à trouver dans les épiceries. D’ailleurs, presque personne ne protestait, car la police politique du régime, la Securitate, avait créé un terrifiant mythe d’omniprésence, d’omniscience et d’omnipotence. Dans ce contexte, au milieu des changements promus à Moscou par le dernier dirigeant soviétique, le réformateur Mikhaïl Gorbatchev, le reste des dictatures communistes s’effondraient une après l’autre, du nord, à commencer par la République démocratique allemande, et jusqu’au sud, en Bulgarie voisine de la Roumanie.
Le déclenchement de la Révolution
Ce ne fut qu’en décembre 1989 que la vague du changement a atteint la Roumanie aussi, à Timişoara (dans l’ouest de la Roumanie). C’était une ville multiethnique, située à proximité tant de la Hongrie, le pays qui avait selon l’opinion générale une des meilleures situations du bloc communiste, que de la Yougoslavie, pays qui ne se trouvait plus – depuis des décennies déjà – dans le collimateur de l’Union Soviétique. Le soutien au pasteur réformé hongrois Laszlo Tokes, qui était surveille par la Securitate et qui devait être expulsé de la ville, s’est transformé, le 15 décembre, en une véritable révolte contre la dictature communiste. Quelle que soit leur ethnie ou leur confession, de plus en plus de personnes se sont ralliées au mouvement de protestation.
L’appareil de répression a brutalement réagi par des tirs contre les manifestants
Pendant plusieurs jours, les autorités ont tué plus d’une centaine de personnes et ont grièvement blessé plusieurs centaines d’autres. Enfin le 20 décembre, l’armée a refusé de tuer les Roumains est elle s’est retirée dans les casernes. Timisoara est devenue la première ville du pays libre du communisme.La révolte s’est étendue rapidement vers d’autres grandes villes pour culminer, le 22 décembre, à Bucarest, par la fuite de Nicolae Ceaușescu à bord d’un hélicoptère qui décollait du siège du comité central du parti. Capturés et jugés brièvement, Nicolae Ceaușescu et son épouse Elena ont été exécutés le 25 décembre. Même après leur fuite, au milieu de la confusion délibérément entretenue par le nouveau pouvoir – un mélange de révolutionnaires authentiques et d’apparatchiks communistes de second ordre – un millier de personnes ont été tuées pendant la Révolution en Roumanie. La Roumanie est le seul pays d’Europe de l’Est où le changement de régime s’est produit par la violence.