Stratégie roumaine pour lutter contre le trafic des être humains
La Roumanie a lancé une stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains, un domaine dans lequel elle a été fortement critiquée dans les rapports internationaux précédents.
Daniela Budu, 14.05.2024, 11:57
Critiquée ces dernières années pour l’inefficacité de ses mesures de lutte contre la traite des êtres humains, la Roumanie a lancé ce lundi sa stratégie nationale pour 2024-2028, qui vise à endiguer ce phénomène, à identifier les victimes, à fournir une assistance et à punir les trafiquants. Depuis le début des années 2000, le pays a fait des progrès significatifs dans ses efforts pour combattre ce fléau, à la fois en créant le cadre juridique adapté et en organisant les institutions nécessaires, mais il reste encore beaucoup à faire, selon les personnes qui ont assisté au lancement. Selon le ministère de l’intérieur, la stratégie de lutte contre la traite repose sur quatre piliers : la prévention, la répression, la protection et le partenariat. Elle fournit également « un cadre d’action clair visant à améliorer la capacité de toutes les structures impliquées dans la lutte contre la traite des êtres humains ». Dans un résumé de la stratégie lancée lundi, le ministère de l’Intérieur indique qu’il existe peu de services spécialisés pour aider et protéger les victimes, y compris les mineurs, que la coopération entre les institutions publiques et privées pour fournir une assistance aux victimes est difficile et que le financement est insuffisant.
Que révèle le dernier rapport en la matière ?
Le dernier rapport annuel sur la traite des êtres humains publié l’été dernier par le département d’État américain indiquait que la Roumanie ne respectait pas les normes minimales en matière de lutte contre la traite des êtres humains. Il a également montré que le système judiciaire roumain, les enquêteurs et les autorités chargées de la protection de l’enfance étaient plus susceptibles d’être « du côté » des trafiquants et, en même temps, extrêmement sévères à l’égard des victimes. Un autre rapport, publié cette année par la Mission internationale pour la justice, une organisation internationale qui lutte contre la vulnérabilité des victimes de la traite des êtres humains, a souligné que les changements législatifs dans ce domaine « n’ont pas été effectués de manière cohérente par rapport à la question de la traite des êtres humains, mais plutôt de manière ad hoc et non coordonnée ». La situation est également reconnue par le Premier ministre roumain Marcel Ciolacu qui a déclaré que « malheureusement, la Roumanie est également sur la carte des trafiquants d’êtres humains, étant reconnue depuis près de 20 ans comme l’un des principaux pays d’origine des victimes exploitées en Europe ».
Quel bilan depuis 2005 ?
Selon les données de l’Agence nationale de lutte contre la traite des êtres humains (ANTIP), depuis la création de l’agence en 2005, c’est-à-dire en 19 ans, 19 000 victimes ont été enregistrées en Roumanie et plus de 4 000 condamnations ont été prononcées. Au cours des trois premiers mois de l’année, 173 personnes ont fait l’objet d’une enquête pour des infractions liées à la traite des êtres humains. Dans le message envoyé à l’occasion du lancement de la stratégie, le Premier ministre a également déclaré que les statistiques officielles de ces dernières années montrent que « plus de 500 citoyens roumains sont identifiés comme victimes chaque année, et ce chiffre n’inclut pas les personnes en situation de traite, qui ne sont pas prises en compte dans les statistiques officielles ». « De plus, environ la moitié des victimes identifiées sont des enfants ou des jeunes, ce qui nous inquiète encore plus », a ajouté le premier ministre. Mais les autorités affirment que des moyens d’intervention ont été identifiés, que des partenariats sont en place et que les ressources nécessaires seront allouées pour lutter contre ce fléau.