Nouvelle crise politique en République de Moldova
L’inévitable s’est produit à Chisinau. Moins de six mois après son investiture, le gouvernement de Maia Sandu a été destitué par motion de censure, et le mariage contre nature entre le bloc pro-européen ACUM et les socialistes russophiles s’est achevé par un divorce fracassant. 63 des 101 députés moldaves ont dit Oui à la motion déposée par le Parti socialiste, lequel est mené de facto par le chef de l‘Etat Igor Dodon. Une motion qui a également été soutenue par le Parti démocrate, au pouvoir jusqu’à l’été dernier et contrôlé par l’oligarque impopulaire Vlad Plahotniuc.
Bogdan Matei, 13.11.2019, 12:49
Déjà minées par la rivalité pour la municipalité de la capitale, compétition gagnée, ce mois, pour la première fois par un philo russe, les relations entre le bloc ACUM et le PS se sont davantage détériorées après que la première ministre eut exprimé son intention de modifier la procédure de nomination du procureur général de la république. Les analystes avaient déjà averti que ce n’était qu’une question de temps avant que les philo russes ne torpillent un cabinet dominé par les pro-européens, mais à l’intérieur duquel Dodon avait imposé deux de ses proches à la tête de ministères clé, à savoir la Défense et la Réintégration de la région séparatiste de Transnistrie.
Dans son dernier discours prononcé devant le Parlement en tant que première ministre, Maia Sandu a déclaré que son Exécutif avait réussi à majorer les salaires de certaines catégories de la population et à démarrer une réforme sérieuse de la Justice. Elle a rappelé qu’en un laps de temps de seulement cinq mois, le gouvernement a attiré une aide financière de plus de 100 millions d’euros et que la République de Moldova devrait en recevoir 30 autres millions de la part de l’UE avant la fin de l’année en cours. Chose vitale pour un Etat que tous les classements de spécialité considèrent comme le plus pauvre d’Europe.
Bruxelles n’a pas tardé à réagir. La Commission européenne voit dans la destitution du gouvernement de Chişinău un signal inquiétant pour le processus de réforme. La nécessité des réformes, notamment dans le domaine la Justice, n’a pas disparu du fait du vote pour la destitution du cabinet, a déclaré la porte-parole de la cheffe en exercice de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Elle a souligné que la relation entre l’UE et Chişinău continuerait à reposer sur le respect de l’Etat de droit et des normes démocratiques.
La nouvelle crise politique de Chişinău est mal tombée en Roumanie aussi, le défenseur le plus énergique et constant de l’indépendance, de l’intégrité et des aspirations européennes de la république voisine. Le président Klaus Iohannis a mis en garde contre le fait que, dans le contexte actuel, l’appui de la Roumanie, y compris celui financier, serait strictement conditionné par la poursuite des réformes essentielles pour la démocratie et pour le parcours européen. A son tour, le premier ministre roumain Ludovic Orban a averti que l’Exécutif de Bucarest manifesterait une très faible disponibilité à coopérer avec un gouvernement moldave qui ne présente pas de garanties sérieuses pour une démocratie authentique.
Au cas où, d’ici trois mois, un nouveau cabinet ne serait pas investi, le président Dodon pourrait dissoudre le Parlement et convoquer des élections législatives anticipées. De l’avis des analystes, cela serait de nature à renforcer le poids des socialistes au sein du Parlement et leur permettrait de s’approprier les leviers du pouvoir. (Trad. Mariana Tudose)