La Cour Constitutionnelle et le régime spécial des pensions de retraite
Comme leur nom l’indique si bien, les pensions dont le régime est considéré comme spécial sont fixées au terme des lois spéciales. Accordées dans un premier temps aux magistrats et aux militaires, ces rentes de régime de retraite supplémentaire ont fini par être versées à d’autres catégories aussi, telles les parlementaires, les diplomates ou le personnel aéronautique. A la différence de la plupart des retraites dites normales, celles considérées comme spéciales ne reposent pas que sur le principe de la cotisation, puisqu’elles sont financées aussi bien du budget de la Sécurité sociale que de celui d’Etat. Ce petit détail auquel s’ajoute leur montant souvent démesuré, de milliers d’euros, font de leurs bénéficiaires la cible des critiques des retraités roumains dont les pensions, calculées selon le principe de la contribution, se monte, en moyenne, à quelques 300 euros seulement.
Ştefan Stoica, 16.12.2020, 12:04
Après avoir prêté une oreille attentive aux doléances de l’électorat appelé deux fois aux urnes ces derniers mois, les responsables politiques ont fini par voter, l’été dernier, une loi censée permettre l’imposition de 85% du régime spécial de toute pension de retraite dépassant les 1400 euros, y compris de celles versées aux magistrats, militaires ou policiers. De cette manière, les pensions de retraite dites spéciales continuaient à exister, mais elles se voyaient frapper d’impôt. La Cour Constitutionnelle a donné le coup de grâce, en désavouant cette loi qui, dit-elle, contrevient à la loi fondamentale du pays. Adopté par le Législatif, en juin, cet acte normatif s’est déjà heurté à l’avis négatif de l’Avocat du peuple (Défenseur des droits) et de la Haute Cour de Cassation et de Justice, selon lesquels une telle décision violerait le principe de l’équité fiscale.
Aux dires de ces deux instances, par sa décision, le Parlement soumettrait à la double imposition les pensions considérées comme spéciales, ce qui contreviendrait au principe de la non-discrimination et de l’égalité fiscale. En plus, cette loi risquerait de porter atteinte à l’indépendance des magistrats, tout comme au principe de la clarté et à la prédictibilité législative, précisent les deux instances déjà mentionnées. Après avoir reporté son verdict à plusieurs reprises, la Cour Constitutionnelle a fini par donner un avis négatif, sans pour autant motiver son choix. Accusée, au fil des années, de privilégier la gauche politique par ses verdicts, la Cour se confronte cette fois-ci à un aspect encore plus délicat de moralité : les juges de la Cour font partie eux-mêmes des bénéficiaires d’un régime spécial de retraite. Et ce n’est pas tout, puisqu’un autre aspect s’y ajoute.
Lors de la dernière réunion de la Chambre des députés de l’actuelle législature, les parlementaires de l’USR ont décidé de démissionner en groupe pour ne plus figurer parmi les potentiels bénéficiaires d’une telle pension. Un geste adopté également par six parlementaires sociaux- démocrates dont le leader du PSD, Marcel Ciolacu. Si la décision de l’USR est crédible puisque le parti a constamment milité en faveur d’une loi interdisant le régime spécial des retraites, celle des sociaux- démocrates, champions en titre des lois favorables aux parlementaires, a été vite cataloguée de populiste par leurs adversaires politiques. (Trad. Ioana Stancescu)