Attitudes xénophobes à Ditrău
Ditrău, une petite ville de l’est de la Transylvanie fait la une des médias depuis quelques jours et suscite de vifs débats au sein de la société, sans oublier d’attirer l’attention des responsables de Bucarest. Le problème : une boulangerie a fait embaucher deux travailleurs de Sri Lanka. Un geste qui a suscité tout de suite l’indignation des habitants, la plupart des membres de la minorité hongroise de Roumanie. Ceux-ci craignent que désormais les migrants ne viennent leur imposer leur culture et ne mettent en danger leur petite ville. Et les contestations ne sont pas arrêtées là. Les propriétaires de l’immeuble où les deux Sri Lankais étaient logés ont été menacés par les villageois furieux criant haut et fort qu’ils « ne mangeront jamais du pain issu de mains noires ». Le patron de la boulangerie a donc décidé de faire loger ses deux employés indésirables en dehors de la localité, mais il avait annoncé que ceux-ci continueraient à travailler chez lui. Cela bien qu’auparavant il ait envisagé de transférer les deux Sri Lankais à d’autres postes, une proposition rejetée par les villageois.
Bogdan Matei, 03.02.2020, 12:27
Ditrău, une petite ville de l’est de la Transylvanie fait la une des médias depuis quelques jours et suscite de vifs débats au sein de la société, sans oublier d’attirer l’attention des responsables de Bucarest. Le problème : une boulangerie a fait embaucher deux travailleurs de Sri Lanka. Un geste qui a suscité tout de suite l’indignation des habitants, la plupart des membres de la minorité hongroise de Roumanie. Ceux-ci craignent que désormais les migrants ne viennent leur imposer leur culture et ne mettent en danger leur petite ville. Et les contestations ne sont pas arrêtées là. Les propriétaires de l’immeuble où les deux Sri Lankais étaient logés ont été menacés par les villageois furieux criant haut et fort qu’ils « ne mangeront jamais du pain issu de mains noires ». Le patron de la boulangerie a donc décidé de faire loger ses deux employés indésirables en dehors de la localité, mais il avait annoncé que ceux-ci continueraient à travailler chez lui. Cela bien qu’auparavant il ait envisagé de transférer les deux Sri Lankais à d’autres postes, une proposition rejetée par les villageois.
Chose inédite, le prêtre romano-catholique a rejoint lui aussi les protestataires, étant quand même réprimandé par ses supérieurs. Alors que le maire de Ditrău, qui a fait tout pour apaiser les tensions, a fini par fondre en larmes sous la pression du scandale. Cette histoire est d’autant plus étrange, si l’on pense qu’un cinquième de la population de cette petite ville transylvaine travaille, à son tour, à l’étranger.
Cet épisode horrible en fin de compte, ce cas apparemment banal de xénophobie, comme il y en a partout en Europe, a toutefois des significations plus profondes. Le président de l’Académie Roumaine, Ioan Aurel Pop, parle, lui « d’exclusion, xénophobie et racisme ». Il met en lumière le fait de la scène de ce drame, le département de Harghita, dans l’est de la Transylvanie, forme, aux côtés des départements de Covasna et de Mures, ce que l’on appelle Le Pays des Sicules, soit la seule région de Roumanie à population majoritaire d’ethnie hongroise. Dans cette zone peu développée, plutôt isolée et ultraconservatrice, la population ne parle presque pas du tout la langue roumaine bien qu’elle y ait vécu toute sa vie, et plaide constamment pour l’autonomie des Sicules, bien que l’argent reçu par ces 3 départements dépasse leur production. Plus encore, vu que les télévisions hongroises détiennent le monopole médiatique dans la zone, certains expliquent l’attitude des habitants de Ditrău comme une réaction au discours anti-migration du premier ministre hongrois Viktor Orban. D’autres voix insistent sur le fait que les ressentiments des villageois viseraient plutôt le patron de la boulangerie, et non pas les deux Sri Lankais. D’anciens employés ont dénoncé son comportement rude, le fait d’avoir reçu le salaire minimum alors qu’ils ont été obligés systématiquement à travailler des heures supplémentaires non payées.
A Bucarest, la ministre du Travail, Violeta Alexandru, a demandé que des contrôles soient menés à la boulangerie en question. La police a ouvert un dossier pénal, alors que le Conseil national de lutte contre la discrimination, ayant à sa tête toujours un membre de la minorité hongroise, Csaba Asztalos, s’est autosaisi, démarrant lui aussi une enquête. Enfin, l’ancien vice-premier ministre et ancien chef de l’Union Démocrate-Magyare de Roumanie, l’écrivain Marko Bela, voit dans toute cette histoire « un échec » de sa communauté, qui « demande de la tolérance pour elle, mais qui accepte l’intolérance de ses membres ». (Trad. Valentina Beleavski)