La semaine du 16 au 21 janvier 2017
Décret de grâce et protestations
Corina Cristea, 21.01.2017, 13:09
Décret de grâce et protestations
Des milliers de personnes ont protesté cette semaine à Bucarest et dans plusieurs grandes villes de Roumanie contre l’intention du gouvernement d’adopter deux décrets d’urgence visant à gracier certaines catégories de détenus et à apporter plusieurs modifications au Code Pénal. Suite aux nombreuses critiques de la part de la société civile, des principales institutions de la Justice et de chef de l’Etat lui-même, le gouvernement a soumis au débat public les deux projets de décret, à retrouver actuellement sur la page Internet du ministère de la Justice. En vertu du premier document, la grâce serait accordée aux personnes purgeant des peines de prison de moins de cinq ans, sauf les récidivistes. On propose également de réduire à moitié les peines de prison ferme des personnes âgées de plus de 60 ans, des femmes enceintes ou des personnes ayant la charge de mineurs âgés de moins de 5 ans. En sont exceptées les peines encourues pour infractions commises avec violence, infractions contre la sûreté nationale et de haute corruption. La grâce serait liée au paiement, dans un délai maximum d’une année depuis la mise en liberté, des dédommagements établis par le tribunal. Par ailleurs, l’abus de pouvoir ne serait pénalisé que sur la base d’une plainte préalable et seulement si le préjudice est supérieur à 200.000 lei (44.000 euros). En outre, les dénonciateurs ne seront pas exempts de responsabilité pénale si la dénonciation n’est pas faite dans les six mois suivant le fait dénoncé. Le ministre de la Justice, Florin Iordache, affirme que ces actes normatifs sont nécessaires pour désengorger les pénitenciers et harmoniser la législation avec certaines décisions de la Cour constitutionnelle. Pourtant, les détracteurs de ces projets de loi ont attiré l’attention sur le fait que ces actes permettraient de bénéficier de la grâce non seulement à certains politiciens corrompus, mais aussi à des criminels dangereux et dépénaliseraient des infractions telles l’abus de fonctions ou le conflit d’intérêts. Les magistrats estiment, eux, que ces modifications législatives n’aident ni la justice ni la lutte contre la corruption. Enfin, l’ambassadeur des Etats-Unis à Bucarest, Hans Klemm, considère comme inopportuns ces décrets, car ils risquent d’affaiblir l’Etat de droit.
Priorités de l’agenda de politique étrangère de Bucarest
Lors de la réunion annuelle avec les chefs des missions diplomatiques accrédités à Bucarest, le président roumain Klaus Iohannis a présenté les priorités du pays en matière de politique étrangère pour l’année en cours. Celle-ci s’inscrira sur les mêmes coordonnées, à savoir l’approfondissement du Partenariat stratégique avec les Etats-Unis et le renforcement de l’UE et de l’OTAN, a-t-il précisé. La lutte contre la migration illégale et le terrorisme compte elle aussi parmi les priorités de la Roumanie en matière de politique extérieure. Le chef de l’Etat roumain a par ailleurs réaffirmé que Bucarest était prêt à prendre part aux négociations sur le Brexit, tout en soulignant la nécessité que le résultat de ces pourparlers reflète entièrement la préservation des droits des travailleurs roumains. Il n’a pas non plus oublié de mettre en exergue les relations stratégiques avec l’Allemagne, la France et l’Italie. Il faut également continuer à renforcer le partenariat stratégique avec la Pologne, surtout pour ce qui est de la sécurité au niveau régional, mais aussi sur les questions européennes où les deux pays partagent les mêmes objectifs, a encore déclaré le président roumain. Et lui d’ajouter que le partenariat stratégique avec la Turquie, allié indispensable pour la stabilité dans la région, devait lui aussi être amplifié. L’étroite coopération avec les Pays baltes, l’engagement concret à appuyer l’intégration européenne et euroatlantique des pays des Balkans occidentaux et la poursuite du développement des rapports avec l’Ukraine sont autant de repères de l’agenda diplomatique de Bucarest pour 2017. Se référant à la relation avec la République de Moldova voisine, le président Klaus Iohannis a réaffirmé que la Roumanie maintenait son objectif concernant l’orientation irréversible de Chisinau vers l’intégration européenne. Il a en outre précisé que Bucarest devait mettre l’accent sur le volet économique des rapports avec les Etats d’Asie centrale et du Proche et Moyen Orient ainsi que de promouvoir de manière plus active les relations avec les pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique.
Le cas Coldea
Numéro deux des services secrets pendant 12 ans, le général Florian Coldea a été libéré de ses fonctions suite aux allégations lancées publiquement par l’ex député social-démocrate Sebastian Ghita, en cavale et poursuivi dans plusieurs dossiers. Ce dernier qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen, a laissé entendre que les services de renseignement s’étaient immiscés dans la justice. Même si les conclusions de la commission d’enquête interne n’avaient révélé dans son activité aucun élément susceptible de représenter des violations de la législation ou des normes internes du Service roumain de renseignement, Coldea a décidé de quitter son poste. Dans un message adressé à la nouvelle majorité parlementaire, le président du pays, Klaus Iohannis, a déclaré que la preuve de la maturité de celle-ci serait la manière dont elle entend envisager les changements législatifs dans les domaines de la sûreté nationale et de la justice. Il a souligné que pour avoir des services secrets puissants et efficaces il faut soumettre leur activité à un contrôle parlementaire rigoureux, mais sans parti pris.
Enquête sur les collectifs budgétaires
Réunis en séance commune, le Sénat et la Chambre des députés de Bucarest ont décidé de démarrer une enquête portant sur les collectifs budgétaires opérés par l’ancien gouvernement de techniciens de Dacian Ciolos. Les commissions de vérification examineront la procédure et les données ayant servi de fondement à l’ancien gouvernement pour adopter ses collectifs budgétaires d’août et de novembre 2016. Et ce dans le contexte où les rentrées budgétaires baissaient d’un mois à l’autre, selon les affirmations de Liviu Dragnea, leader du Parti social-démocrate principale formation politique de la coalition au pouvoir. Cette démarche de la majorité parlementaire a été critiquée par le Parti national libéral et par l’Union Sauvez la Roumanie. Par ailleurs, la Chambre des députés a adopté en session plénière une décision par laquelle elle sollicite à la Cour des comptes un examen en ce sens. Face à toutes ces accusations, l’ancien premier ministre technocrate, Dacian Ciolos, a choisi de donner sa réplique sur un réseau social. D’après ses dires, l’initiative adoptée par le Parlement roumain n’est qu’un fumigène lancé par ceux qui ne savent pas comment faire pour tenir leurs promesses électorales. L’ex chef du cabinet tient à rappeler que son gouvernement détient un record en matière d’absorption des fonds communautaires: 7 millions d’euros entrés en Roumanie dans le courant de l’année dernière. En plus, explique Ciolos, l’évolution économique sur le premier trimestre de l’année dernière justifie pleinement le collectif budgétaire positif au deuxième trimestre. (Trad. Mariana Tudose)