Cette année, en Europe
La crise ukrainienne et la nouvelle guerre froide
Bogdan Matei, 27.12.2014, 13:05
La crise ukrainienne et la nouvelle guerre froide
Pour de nombreux analystes et décideurs politiques, 2014 est l’année du déclenchement d’une nouvelle guerre froide. La chute, en janvier dernier, du régime pro-moscovite de Kiev, remplacé par une administration ukrainienne pro-occidentale, suite à une révolte sanglante, a été suivie d’actions dures de la part de la Russie. Remarquable de cynisme et d’efficacité, l’annexion, sans combat, de la Crimée en mars dernier n’en a été que le début.
Moscou a continué, tout au long de l’été, à soutenir politiquement, militairement et en matière de logistique, la rébellion sécessionniste pro-russe de l’est de l’Ukraine, soldée par plus de 4 mille morts. Parmi eux figurent les 300 passagers, pour la plupart néerlandais, d’un avion civil abattu, selon les indices, par l’artillerie des séparatistes. Confrontée à ces faits, la communauté internationale a dû constater, avec inquiétude, l’éveil, sous Vladimir Poutine, de l’appétit territorial de la Russie et le manque de scrupules de Moscou, dignes des époques tsariste et stalinienne. Les Etats-Unis, l’UE et leurs partenaires du monde démocratique y ont répondu par des mesures punitives — à la fois politiques et économiques.
Inquiétée par les évolutions en Ukraine — son plus grand voisin en termes de superficie et de nombre d’habitants — la Roumanie, avant-poste oriental de l’UE et de l’OTAN, a demandé à ses partenaires occidentaux un renforcement de leur présence militaire dans la région. Bucarest s’est prononcé de manière constante et ferme, par la voix du chef de l’Etat, du gouvernement et du ministère des affaires étrangères, en faveur du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, pays où vit un demi-million d’ethniques roumains.
Victoires électorales des pro-européens à Kiev et à Chişinău
En Ukraine et en République de Moldova, l’électorat a prouvé soutenir l’orientation européenne de ces deux ex-républiques soviétiques, qui ont signé des accords d’association et de libre échange avec Bruxelles. Le verdict des urnes infirme la rhétorique russe sur les soi-disant droits de Moscou sur ses anciennes colonies.
A Kiev, le milliardaire pro-occidental Petro Porochenko a été élu aux fonctions de président du pays, alors qu’au Parlement, les nostalgiques de l’Union Soviétique et les adeptes du président déchu, Viktor Ianoukovitch, sont devenus minoritaires après le scrutin législatif. En outre, pour la première fois depuis la proclamation de l’indépendance de l’Ukraine, en 1991, les communistes n’ont plus franchi le seuil électoral de 5% et n’occupent plus des fauteuils parlementaires à Kiev.
Les philo-russes communistes, socialistes ou populistes ont perdu les élections en République de Moldova aussi. Associés, dès 2009, pour constituer l’Alliance pour l’intégration européenne (au pouvoir), les partis Libéral-Démocrate, Démocrate et Libéral se sont assurés, de nouveau, le 30 novembre, la majorité au Parlement de Chişinău, et continueront à gérer ensemble les affaires de la République de Moldova. Les leaders de ces formations politiques espèrent qu’en 2017, celle-ci obtiendra le statut de pays candidat à l’UE, pour en devenir membre en 2020.
La Roumanie, qui soutient les efforts d’intégration européenne de la République de Moldova, avec laquelle elle partage la même langue, la même histoire et la même culture, a salué la victoire des partis pro-européens dans l’Etat voisin.
Elections européennes
Les élections européennes de mai dernier ont confirmé la suprématie des familles idéologiques démocratiques du continent : les populaires, les socialistes et les libéraux, qui ont remporté 2 tiers des sièges au Parlement Européen.
Pourtant, ces élections ont également provoqué de l’inquiétude, à cause de la recrudescence, dans presque tous les Etats de l’Union, de la rhétorique de discrimination et anti-immigration. De Hongrie jusqu’en France et de Grèce jusqu’aux Pays-Bas, les partis eurosceptiques ou carrément anti-européens ont envoyé leurs représentants au Législatif communautaire.
La Roumanie n’est représentée à Strasbourg et Bruxelles par aucun eurodéputé populiste ou xénophobe. Des formations politiques roumaines affiliées aux grands partis de l’Union, promoteurs des valeurs européennes, se sont partagés les 32 mandats attribués à Bucarest : pour la gauche politique, le Parti Social Démocrate, principal parti au pouvoir à Bucarest affilié aux socialistes européens; pour la droite, le Parti National Libéral, affilié jusqu’ici à l’Alliance des Libéraux et des Démocrates et qui a rejoint cette année les Populaires, ainsi que le Parti Démocrate Libéral (PDL), le Parti du Mouvement Populaire (PMP) et l’Union Démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR), tous déjà membres du Parti Populaire Européen.
Changements à la tête des institutions européennes
Soutenu par ses collèges socialistes et par les populaires européens, l’Allemand Martin Schultz a été réélu pour un mandat de 2 ans et demi à la tête du Législatif communautaire. Selon un accord entre les deux partis, un représentant des populaires se trouvera à la tête du Parlement européen pendant la seconde moitié de l’actuelle législature.
Les autres institutions européennes ont renouvelé leurs directions en automne. Après dix années marquées par le plus ample élargissement à l’Est et au Sud que l’Union ait connu depuis sa création, le Portugais José Manuel Barroso a cédé sa place de chef de la Commission européenne au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
Le nouveau président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, premier Est-européen à remplir cette fonction, remplace le Belge Herman van Rompuy. L’Italienne Federica Mogherini s’est installée à la tête de la diplomatie européenne, fonction détenue jusqu’ici par la Britannique Catherine Ashton. Dans le nouvel exécutif communautaire, la Roumanie est représentée par l’ancienne euro-députée sociale-démocrate Corina Creţu, désignée commissaire en charge de la politique régionale.
Depuis son adhésion à l’UE, en 2007, la Roumanie a détenu les portefeuilles du multilinguisme, par Leonid Orban, et de l’Agriculture, par Dacian Cioloş, deux technocrates non-affiliés à un parti politique.
Dossiers chauds à l’agenda de l’OTAN
L’OTAN a, elle aussi, un nouveau secrétaire général depuis cet automne. Un autre Scandinave, l’ancien premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, a remplacé le Danois Anders Fogh Rasmussen à la tête de l’Alliance.
Le nouveau secrétaire général doit gérer deux dossiers difficiles : à l’Est, les relations glaciales avec la Russie et le renforcement des mesures de sécurité pour les alliés du flanc Est, dont la Roumanie ; au sud, l’instabilité endémique du Proche Orient, dévasté par la guérilla djihadiste, à laquelle les gouvernements locaux, faibles, corrompus et inefficaces, ne peuvent pas faire face. Depuis l’été, de territoires vastes de Syrie et d’Irak sont contrôlés par l’organisation terroriste « Etat Islamique », tellement brutale qu’elle a été répudiée même par ses mentors du réseau Al-Qaïda. (trad.: Dominique)