A la Une de la presse roumaine 25.08.2017
Pourquoi Emmanuel Macron est-il venu en Roumanie?, sinterrogent à lunisson les principaux journaux bucarestois et les réponses à cette seule et unique question sont très divers. Toutefois, avant de les passer en revue, la presse écrite locale fait les comptes des bénéfices notamment symboliques de cette visite dune dizaine dheures pour le chef de lEtat, qui avait invité à Bucarest son homologue français, lors du Conseil européen de juin dernier.
Andrei Popov, 25.08.2017, 11:54
Pourquoi Emmanuel Macron est-il venu en Roumanie?, sinterrogent à lunisson les principaux journaux bucarestois et les réponses à cette seule et unique question sont très divers. Toutefois, avant de les passer en revue, la presse écrite locale fait les comptes des bénéfices notamment symboliques de cette visite dune dizaine dheures pour le chef de lEtat, qui avait invité à Bucarest son homologue français, lors du Conseil européen de juin dernier.
« Le président Klaus Iohannis sest vu ainsi renforcer sa position de leader (interne et international, après lentrevue très médiatisée à Washington avec Donald Trump) la visite du président français étant un succès retentissant pour son image », précise une analyse publiée par EVENIMENTUL ZILEI. Il nest pas moins vrai, considère le journal, que « la France se trouve actuellement dans une conjoncture défavorable car elle a perdu beaucoup de marchés et, par conséquent, elle tente de conquérir dun point de vue économique des territoires intéressants dans une perspective diplomatique. Or la Roumanie a un avantage géopolitique important, en sa qualité de double frontière de lUE et de lOTAN, ayant du potentiel militaire dans le bassin de la mer Noire, la qualité culturelle de la francophonie et une tradition importante de la relation » avec Paris, écrit EVENIMENTUL ZILEI.
Alors, il était naturel, selon les journaux roumains, que la France propose à la Roumanie des hélicoptères et des missiles, que le pays finira par acheter, vu les différents accords signés dans la foulée. « La Roumanie promet (cette acquisition) au président français, bien quelle ait promis de même aux Etats-Unis », précise ROMANIA LIBERA, selon lequel « la France et les Etats-Unis se livrent une compétition acharnée sur le marché roumain ». Le journal rappelle que juste avant la visite dEmmanuel Macron, Airbus Hélicoptères avait demandé au gouvernement de Bucarest « un appel doffres transparent » pour lacquisition de nouveaux appareils destinés à forces armées. Lexécutif roumain a déjà « courtisé » lAméricain Bell Helicopters, auquel il a annoncé son intention, le 3 août, de lui acheter sans appel doffres des hélicoptères dattaque, explique ADEVARUL.
Or Airbus avait inauguré une usine dhélicoptères près de Brasov en septembre 2016 et « un an après, nous navons pas toujours reçu doffre concrète de la part de la Roumanie », regrettait Serge Durand, directeur dAirbus pour le pays, dans ROMANIA LIBERA et ADEVARUL. Citant plusieurs sources, ce dernier quotidien ajoute que, désormais, une commande ferme serait en route. « Nous navons pas une relation vendeurs-clients, de marchandage, mais un partenariat; un partenariat stratégique sur le long terme en matière de transfert technologique, de mise en oeuvre de grands projets économique et dappui politique mutuel », assure pour sa part le premier ministre roumain, Mihai Tudose, dans JURNALUL NATIONAL.
Et pourtant, la situation des travailleurs détachés na pas manqué dêtre âprement discutée derrière les portes closes. Selon ADEVARUL, Emmanuel Macron avait auparavant obtenu le ralliement de lAutriche, de la République Tchèque et de la Slovaquie à sa proposition de réviser la directive européenne régissant les conditions dembauche des travailleurs détachés en Europe. Actuellement, selon lui, lutilisation de ces travailleurs met à mal le marché européen de lemploi, par une forme de « dumping social ».
A Bucarest, les versions divergent – pour ADEVARUL, ROMANIA LIBERA, EVENIMENTUL ZILEI, le président « Klaus Iohannis a évité une réponse directe », « estimant quil sagissait là dun dossier délicat et que lon devait travailler longuement » sur la nouvelle formule de la directive. En revanche, GANDUL lit dans les mêmes propos du chef de lEtat roumain un soutien « catégorique » au projet de révision de la directive qui doit, explique-t-il, « éliminer les mécontentements » des Européens, de lOuest comme de lEst, et prendre en compte leurs désirs « légitimes ».
Emmanuel Macron met en cause les écarts de développement entre les deux parties du continent. Effectivement, disent ROMANIA LIBERA et la DEUTSCHE WELLE ROUMANIE « les différences de développement sont le noyau des affaires aux travailleurs détachés, mais cela était valable aussi, par exemple, dans le cas des affaires des chaînes françaises de grande distribution qui, après leur implantation en Roumanie, ont terrassé les affaires commerciales locales. On peut envisager cette situation comme de la concurrence déloyale en égale mesure, alors que la Roumanie venait juste de sortir du communisme et le capital privé local était quasi inexistant », opinent ROMANIA LIBERA et la DEUTSCHE WELLE ROUMANIE.
Et à GANDUL daller encore plus loin – selon lui, en mettant en cause la directive européenne, le président Macron « sattaque aux taxes réduites, un des rares atouts de lEurope de lEst pour attirer des investissements et améliorer son niveau de vie. Et il nest pas exclu quaprès avoir résolu le problème du « dumping social » il ne se penche sur le « dumping fiscal » (à savoir les délocalisations) qui vole les emplois aux Occidentaux. Emmanuel Macron se veut le pilier de la réforme dans lUE, mais ce nest pas de bon augure que ses démarches démarrent par loffensive contre lEst pauvre, alors que le problème majeur de lUE est, au contraire, la zone euro dont la France fait partie », conclut léditorial de GANDUL.