Steadfast Defender 24
... le plus important exercice militaire jamais réalisé par l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord depuis la fin de la guerre froide.
Corina Cristea, 09.02.2024, 10:50
Impliquant 90.000 soldats, 50 bâtiments de guerre, 80
avions et plus de 1.100 véhicules de combatdont 133 chars, déployés dans une série d’exercices
militaires successifs, Steadfast Defender (ou « défenseur inébranlable » en
français) constitue le plus important exercice militaire jamais réalisé par l’Organisation
du traité de l’Atlantique Nord depuis la fin de la guerre froide. Lancé fin
janvier, « l’exercice montrera la capacité de l’OTAN à soutenir des
opérations complexes durant plusieurs mois dans des conditions des plus
diverses, depuis la Côte atlantique et jusqu’en Europe centrale et de
l’Est », selon le communiqué de presse de l’Alliance. Prévu se dérouler
jusqu’à la fin du mois de mai, l’exercice devrait simuler divers scénarios
censés démontrer la capacité de l’OTAN de consolider sa zone de défense européenne.
31 Etats membres plus la Suède
Les manœuvres militaires impliqueront les forces des 31 Etats membres de
l’Alliance auxquels s’ajoute la Suède, pays en cours d’adhésion, a précisé le
général américain Christopher Cavoli, commandant suprême des forces alliés en
Europe. « L’Alliance démontrera sa capacité à consolider son flanc
européen en déployant des forces originaires d’Amérique du Nord, dans le cadre
d’un scénario de conflit émergeant, simulé contre un adversaire qui se déploie
aux frontières de l’Alliance », avait ajouté le général Cavoli. L’exercice
sera l’occasion de mettre à l’épreuve en situation réelle le nouveau concept du
Plan régional de défense et d’agencement des forces de l’OTAN, approuvé l’année
dernière, selon l’analyste militaire Claudiu Degeratu: « Selon les déclarations des responsables de
l’exercice, ce dernier va se déployer notamment sur le flanc nord de
l’Alliance. Néanmoins, la particularité de l’approche actuelle consiste dans le
fait qu’il faudrait en même temps assurer la défense de tout le territoire de
l’Alliance. Et c’est bien pour cette raison que l’ensemble des Alliés
participeront à différents degrés à cet exercice. Car le principe qui guide
depuis deux années la stratégie otanienne prévoit que l’Alliance doit se
montrer capable de répondre de manière adéquate à quelque défi de sécurité que
ce soit sur l’entièreté de sa frontière, en accordant une attention
particulière aux zones de contact et aux points sensibles eu regard les risques
et les menaces potentiels. Il existe encore ce concept d’une défense à 360°,
impliquant une mobilisation totale et intégrée, terrestre, maritime, navale,
mais aussi en termes de cyberdéfense. Et il s’agira de tester grandeur nature
la mise en œuvre de ce concept. L’OTAN développe par ailleurs non seulement le
volet militaire disons conventionnel, mais aussi le volet de la cyberdéfense et
de la défense spatiale. La cyberdéfense demeure certes une priorité. En sus de
cela, le développement de la défense spatiale pourrait sans doute s’appuyer sur
les compétences en la matière de plusieurs des Alliés, des Américains en
premier lieu, mais aussi des Britanniques, des Français, des Italiens. »
Un exercice qui arrive à point
Aussi, pour ce qui est de l’opportunité de la mise en
œuvre d’un tel exercice dans le contexte actuel, Hari Bucur Marcu, expert en
matière de politiques de sécurité, répond sans hésiter par l’affirmative.
« Au dernier sommet de l’OTAN, le général Cavoli a dévoilé un document de
plusieurs milliers de pages dans lequel étaient détaillés les plans de la mise
en œuvre dans le concret, sur le terrain, des décisions prises par l’Alliance
lors du sommet. Cela concernait notamment l’augmentation des capacités
militaires d’action dans le contexte d’une poursuite de l’attitude belliqueuse
de Moscou à l’égard de l’Europe dans son ensemble. Alors, cet exercice arrive à
point nommé, dans la continuité logique des procédures qui marquent le passage
entre décision politique, planification, confrontation des plans aux réalités
du terrain, afin de s’assurer que la décision politique soit suivie
d’effet », ajoute l’expert en matière de politiques de sécurité Hari
Marcu.
Une stratégie otanienne qui répond aux nouveaux défis sécuritaires
Et bien que dans la Russie n’est nullement mentionné dans les documents
relatifs à l’exercice, personne n’est dupe alors que la nouvelle stratégie
otanienne entend répondre aux défis sécuritaires soulevés par l’invasion russe
de l’Ukraine. Hari Bucur Marcu : « En effet, s’agissant d’un exercice qui entend
répondre à une menace inconnue, la Russie n’est pas nommée expressément.
L’ennemi demeure donc anonyme, inconnu, fictif. Néanmoins, cela ne trompe
personne, dans la mesure où deux commandements otaniens récemment créés,en 2018-2019, dans le but explicit de répondre
justement à cette menace russe, seront impliqués dans l’exercice. Parce que
l’OTAN n’a pas attendu le mois de février 2022, soit l’invasion russe de
l’Ukraine, pour se rendre compte de l’attitude menaçante de la Russie. Dès le
mandat du président Trump, les Alliés ont laissé clairement entendre qu’en
occupant la Crimée en 2014, la Russie avait franchi une ligne rouge, et qu’il
leur fallait réagir. L’exercice sera par ailleurs l’occasion de la mise à
l’épreuve en situation réelle de la Deuxième flotte des États-Unis, réactivée le
1er juillet 2018 à cause de la menace russe. Et l’exercice est censé
tester la capacité de cette flotte de traverser l’Atlantique, d’arriver en
Europe et, à partir de là, de se déployer là où elle sera appelée à le faire.
L’exercice constitue une simulation à grande échelle de la réponse otanienne
face à une situation de guerre. Des commandements se sont préparés à cette
éventualité depuis plusieurs années déjà, et il faut tester leurs capacités en
situation réelle, leurs capacités de commandement et leur degré
d’interopérabilité. Car il s’agit d’un scénario qui se déroule sur des champs
de bataille classiques, terrestre, maritime, aérien, mais aussi dans l’espace
et dans le cyberespace. »
Un exercice d’une ampleur encore inconnue par ce type
de manouvres militaires donc, conclut Hari Bucur Marcu.
(Trad. Ionut Jugureanu)